Alerté par
le taulier de Reversus, je suis amené à lire
le billet d'Etiam Rides qui me renvoit vers
celui de Merachlor.
Son sujet - une femme et son enfant morts de faim en France pour déboucher sur la faim dans le monde - intéressant au demeurant,
prend une tournure qui ne me plaît guère.Je n'aime pas ce côté
trop émotionnel (s'indigner) sans dénoncer l'essentiel.
Entendons-nous bien, il ne s'agit pas ici de blâmer quelqu'un pour une indignation bien humaine - je l'approuve bien au contraire - mais pour
laisser ses émotions gouverner son esprit lorsque l'indignation aurait pu être dirigée vers les véritables sources du mal de notre société globalisée.
A juste titre, est-il souligné que
la mondialisation n'a eu de mondialisation que le nom dans la mesure où ceux qui détenaient déjà les capitaux ont multiplié leurs sources de richesse quand les pays du sud sont maintenus dans une pauvreté constante. Pis encore,
certains pays - notamment d'Afrique - se sont proportionnellement appauvris.
Ce paradoxe est bien loin des fondements du capitalisme qui en favorisant les moyens de production recherche la multiplication des richesses au profit de tous.
Ainsi, lorsque des capitaux investissent, l'offre doit se diversifier, le nombre d'emplois augmenter les fournisseurs s'enrichir créant de nouveaux emplois, etc.
Sauf que...viennent s'y mêler les notions de
commerce équitable (
fair trade) et de
puissance de négociation (
bargaining power).
En effet, beaucoup des effets pervers de notre société "globalisée" est due à l'influence de
la financiarisation de l'économie. Des actionnaires, dans la lignée des fonds de pension américains, avides de profits à court terme imposent de
maximiser les bénéfices au mépris d'une logique à moyen et court terme. Dès lors, peu importe de saigner les fournisseurs, d'abuser de sa position dominante dans une négociation, du moment que le prix de revient est au plancher et la valeur ajoutée au plafond.
En outre, au lieu de réinjecter les richesses dans les moyens de production, c'est en direction des dividendes que celles-ci sont trop souvent amenées.
L'entreprise qui investit ne multiplie donc pas ses moyens de production, et ne permet pas aux fournisseurs, ni même aux salariés de développer leurs ressources.Le capitalisme part d'un postulat: il ne fonctionne parfaitement que dans un contexte d'équité et de concurrence parfaite.
Ainsi n'en va-t-il pas des occidentaux qui usent et abusent de la main-d'oeuvre à bas prix des pays moins développés.
Il faut freiner ces effets et rendre la concurrence équitable.
On ne peut décemment continuer à maintenir un système où un pays comme les Etats-Unis, représentant
moins de 5% de la population mondiale consomme plus de 50% des matières premières produites sur le globe.
La production est globalisée, mais la consommation ne l'est pas. Cela ne fait que confirmer ce que beaucoup savent: l'Occident s'enrichit aux dépens des pays dits du Sud.
Alors on peut certes s'indigner contre le peuple enfermé dans un cycle
"suralimentation - régime", ce n'est pas en les culpabilisant qu'on changera quoique ce soit.
Tout juste arriverions-nous à les inciter à donner un petit billet aux oeuvres charitatives, pour la bonne conscience. C'est d'ailleurs ce que font la plupart des Anglais et des Américains.
Mais ceux qui crèvent la dalle n'en ont que faire de notre bonne conscience. Ils crèvent la dalle c'est tout.
C'est sympa d'avoir un sac de riz de temps en temps. Mais ce serait nettement plus sympa
d'avoir les moyens de s'acheter et de se procurer un sac de riz tous les jours.Je ne vois qu'une bonne réponse à cela: rendre le commerce "équitable" en imposant des taxes sur les importations de produits et de services provenant d'entreprises jouant au dumping social et fiscal tout en menant un programme concerté de développement des pays du Sud. Mesures proposées par le Mouvement Démocrate.
Pendant ce temps-là,
on continue à organiser des concours de hot-dogs aux Etats-Unis (et ailleurs), se moquant de l'indécence de ce spectacle projeté au reste du monde, ou ne serait-ce qu'
aux 36 millions d'américains vivant sous le seuil de pauvreté.Je reste convaincu qu'il faut réinventer le capitalisme et ne pas l'abolir. Il faut aménager ses effets pour une juste redistribution et non pas collectiviser à outrance.
Pour sortir les pays du Sud de leur pauvreté, il faut casser la machine à financiariser et imposer une forme de commerce équitable.
Le temps de l'indignation est dépassé.Mise à jour 00h25: Suite aux réactions fondées de Merachlor et Etiam Rides, je révise mon billet.