mardi 14 juillet 2009

Dialogue social: après le rapt, la menace à l'explosion

Je m'étonne de ne trouver trace de cet événement pourtant symbolique dans certains titres de presse nationaux.

Les salariés de New Fabris, sous-traitant de pièces détachées en automobile (comme il en existe des dizaines de milliers) menacent de faire exploser leur future ex-usine s'ils n'obtiennent pas une indemnité de 30.000,00 EUR de leur employeur mis en liquidation judiciaire.

Plus exactement, ils exigent cette somme de PSA et Renault, les principaux clients de New Fabris.
Bien étrange réflexion vous direz-vous, que de réclamer auprès d'un client que de rémunérer les salariés du sous-traitant. Pas tellement.

Nul n'ignore la situation particulière dans laquelle se retrouve un sous-traitant dont le carnet de commandes est rempli principalement par un ou deux clients essentiels. L'indépendance est totalement remise en question, le déséquilibre du pouvoir de négociation entraîne bien souvent la création d'un lien de subordination.

Ce terme doit résonner immédiatement dans l'esprit d'un juriste et dans un réflexe pavlovien provoquer un cri du coeur : contrat de travail !

La cour de cassation a déjà eu à se pencher sur la question et a pu requalifier à certaines occasions des contrats de franchise ou de location-gérance en contrat de travail à l'égard d'un client. Lorsque le déséquilibre de la relation se mue en un véritable pouvoir de soumission, l'indépendance nécessaire à la notion d'entreprise n'est plus.

Bon, on peut s'interroger aussi sur la pertinence stratégique de dépendre d'un ou deux clients. Vous perdez l'un, c'est la moitié du chiffre d'affaires qui s'envole.

Ce contexte rappelé, arrêtons-nous sur la pertinence d'une telle action qui confirme la dérive ultra hostile des conflits sociaux depuis plusieurs mois.

N'attendez pas de moi que je traite ces salariés de voyous. Je suis de ceux qui considèrent qu'un homme ordinaire mis dans une situation extraordinaire est capable de tout.

Or, imaginez-vous, bon père (ou mère) de famille, ayant dédié votre vie professionnelle au même employeur, contribuant ainsi à votre modeste échelle au succès de l'entreprise et partageant ses échecs. Imaginez-vous, disais-je, qu'au moment de vous licencier pour un motif qui vous est étranger, personne ne vous écoutât, ne faisant aucun cas de vos considérations personnelles, après vous avoir invité toutes ces années à vous investir et à vous inscrire dans la grande famille de l'entreprise. (D'autant qu'en l'occurrence, il semblerait que ledit employeur ait perçu d'importantes subventions de l'Etat).

Que faire d'autres si ce n'est attirer les médias afin de mettre en lumière un tel conflit permettant enfin d'obtenir un interlocuteur? Preuve en est de la réussite d'une telle démarche, les salariés ont rendez-vous au Ministère de l'Emploi le 20 juillet.

Pour autant, on ne peut évidemment applaudire une telle initiative. On peut tout juste déplorer qu'il faille en arriver là.

Mais pourquoi donc? Pourquoi doit-on faire appel à de telles extrémismes pour que le dialogue social ait lieu? Pourquoi la France s'inscrit-elle dans une démarche conflictuelle dès qu'il est question de relations du travail? Où étaient les représentants nationaux syndicaux? Pourquoi le Ministère de l'Emploi n'a-t-il pas pris les devants? Pourquoi les employeurs ont-il fui les discussions?

Il demeurera que l'on ne peut qu'être certain que de telles actions se multiplieront.

Une crise qui n'est pas dû à l'appareil productif et qui provoque des licenciements en masse a de quoi révolter. L'éthique et la morale ont depuis bien longtemps quitté le terrain économique, sauf dans les messages officiels des entreprises. L'actionnariat et le profit à court terme ont été les deux mamelles de l'entreprise lorsque sa vocation naturelle aurait dû être visibilité sur le long terme et prospérité de la société (et non de ses seuls actionnaires). Là est le coeur du système capitaliste: favoriser les moyens de production.

Que les richesses aient été dégagées en faveur des dividendes est une hérésie économique ! Une telle stratégie a autant de pertinence que celle qui consisterait à survaloriser le travail, tel un système communiste de collectivisation !

Ainsi libéralisme et capitalisme s'accommodent parfaitement de la réglementation dès lors que celle-ci est nécessaire à retrouver le postulat initial: favoriser les moyens de production. Pour ce faire, on ne peut décemment négliger la dimension humaine. Revaloriser le travail n'est pas l'apanage de la gauche. C'est aussi un outil capitaliste.

Mise à jour 13:00: Allez lire cet intéressant billet de Claudio en réponse au mien.

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