C’est un peu décalé et la voix en carafe que j’ai abordé cette semaine. Entre mariage et concert, les cordes vocales n’ont pas le temps de se reposer, l’alcool n’aidant pas vraiment.
Toutefois, c'est l'esprit résolument alerte que je m'arrête sur l'émission matinale de Bourdin & Co, qui est pour moi un laboratoire de l'opinion française.
Poussés par des ailes nouvellement gaucho-écologistes, certains députés d’Europe-Ecologie (dont une représentante était invitée ce matin) se sont prononcés pour l’établissement d’un plafond salarial européen. Quelques-uns auraient même avancé le chiffre de 44.000 EUR par mois.
Bon, je vous avoue que cette façon de penser m’étonne toujours un peu. Etablir un plafond plutôt qu’un plancher, c’est prendre le problème par le bout de la lorgnette.
Mais analysons un peu plus avant cette idée.
A quoi cette mesure pourrait-elle bien servir ? A satisfaire le fond envieux de certains français qui ne supportent pas la réussite d’autrui ?
Je ne vois en rien en quoi cette mesure pourrait enfin rendre un visage vertueux et intègre à un système qui ne l’est pas. Car c’est bien d’un problème structurel dont il s’agit et les mesurettes qui n’ont pour raison d’être que le colmatage de brèches ne permettront pas d’endiguer un phénomène inquiétant et global.
En outre, comment peut-on penser appliquer un seul plafond unique à l’ensemble des pays de l’Union Européenne sans d’abord harmoniser les niveaux de vie ? 44.000 EUR par mois en Grèce ne sont pas 44.000 EUR par mois en Allemagne (même si dans les deux cas, vous seriez à l'abri du besoin).
Autre interrogation: doit-on mettre tous les dirigeants dans le même panier ? Du dirigeant de PME qui ont parfois bien du mal à se verser un salaire au Directeur Général d’un groupe côté au CAC40, il y a tout de même de sacrés différences.
Or, c’est bien là que le bas blesse. Aujourd’hui, la rétribution n’est plus proportionnée au risque et à l’aventure entrepreneuriale ainsi que le nommait les économistes libéraux du XIXe siècle mais simplement à un effet de vase clos, une nouvelle forme d’aristocratie où le pouvoir financier fricote avec le népotisme. Plafonner les salaires des dirigeants est une perte de temps. Il convient bien mieux de placer la réflexion sous l’aspect de la répartition des richesses dans l’entreprise qui doit résonner avec la notion d’aventure et la valorisation du travail.
Il n’est pas surprenant qu’un associé ou un actionnaire soit grassement rétribué si tant est que son investissement a permis de lancer une entreprise, une société, etc. Il l’est bien moins lorsqu’il ne s’agit que de l’injection d’un flux financier dans une entreprise au succès établi ou à l’histoire ancienne.
Il n’y a, je crois, aucune formule simple et encore moins de méthode universelle, à appliquer à l’ensemble des entreprises. La division par tiers chère à Nicolas Sarkozy est d’une démagogie sans fin et participe du même dirigisme que l’on reprochait à Martine Aubry dans son application des 35h.
Une règle pour tous. Sauf que la PME de 12 personnes en restauration n’a que peu en commun avec la Sodexho.
Sortons une bonne fois pour toutes de cette réflexion jacobiniste et dirigiste qui enferme la France dans des postures idéologiques qui tanguent au gré des alternances gouvernementales.
Cessons de traiter l’économie comme la simple relation patronat/ouvrier ou employeur/employé. Il s’agit souvent d’un artisan et de ses apprentis, d’un commerçant et de sa petite équipe, d’un autoentrepreneur, d’une profession libérale, etc.
En soi-même l'idée d'un "salary cap" ne me choque pas. Même, j'y suis plutôt favorable.
RépondreSupprimerCependant, je pencherais plutôt vers un "soft cap" (par exemple utilisant le levier fiscal de façon dynamique) et, surtout, cette mesure devrait être vue comme un élément parmi d'autres du cadre dans lequel les libertés économiques peuvent s'exprimer librement.
Je crains ne pas avoir été trop clair ... bref
Claudio,
RépondreSupprimerJe suis d'accord sur le fond mais comme d'habitude en l'occurrence, on ne s'occupera que des fuites et pas du barrage qui menace de s'effondrer.
Je ne crois même pas un tel plafond utile si les richesses étaient distribuées de manière plus cohérente dans l'entreprise. En tout état de cause, il est fort à parier que les grands gagnants seront encore...les actionnaires...
En réalité (je prends pour bonnes les chiffres de Jean Peyrelevade) ce ne sont pas les actionnaires qui sont gagnants. Ce sont les "haut salariés" (dits "grands patrons").
RépondreSupprimerL'EBE semble plutôt stable ...
Galbraith avait déjà vu le problème, je cherche la citation et je la mets sur skep
Claudio,
RépondreSupprimerCe serait effectivement très intéressant à analyser.
De toutes façons, axer la stratégie d'une entreprise afin de survaloriser les dividendes ou le salaire des dirigeants est aussi inepte à mes yeux car l'entreprise (qui bénéficie à tous) n'en ressort pas gagnante.