lundi 29 juin 2009

Les footballeurs ne sont pas assez payés

D'aucuns vont hurler au titre racoleur et que je ne résiste pas aux basses manoeuvres pour attirer le chaland.
Rassurez-vous néanmoins, il n'en est rien...en tous cas, pas tout à fait.

Je m'érige simplement contre cette tendance bien française à dénoncer les rémunérations stratosphériques des joueurs professionnels de football, s'amalgamant au concert des dénonciations hypocrites.

Hypocrites car d'un côté, les loups clament le haro sur le sportif à l'énoncé des indemnités de transfert colossales que l'actualité récente vient encore attiser. De l'autre, parce qu'une bonne partie de la meute bienpensante française moque que l'on puisse gagner plus que le Président de la République pour une activité qui se résume à "pousser un ballon".

Indémnités de transfert

Kézako?
Un transfert est en fait une opération de débauchage orchestrée par un club sportif qui souhaite s'attirer les services d'un joueur lié par un contrat.
Rappelons un instant que les sportifs sont des salariés, certes atypiques, qui vont de CDD en CDD, à l'image de ce que le monde du divertissement connaît.
Pour freiner l'hémorragie au bénéfice des clubs plus puissants, accélérée notamment par l'arrêt Bosman - rappelant le droit à la libre circulation des travailleurs, y compris sportifs, au sein de la Communauté Européenne -, les clubs employeurs ont implémenté le mécanisme de l'indemnité de transfert en cas de résiliation anticipée du contrat de travail initiée par le salarié et motivée par un poste dans un autre club.
Cette indemnité n'est aucunement au bénéfice du sportif*, mais elle vient alimenter les caisses du club "cédant" payée dans la pratique par le club "cessionnaire", le nouvel employeur. Ceci a pour but principal d'empêcher la fuite des joueurs quittant des clubs modestes en faveur de clubs plus côtés sur la seule base de leur aura sans qu'aucune contrepartie ne soit versée à celui souffrant la perte. Après tout, tout salarié reste libre de démissionner.

L'exemple Cristiano Ronaldo

94 millions d'euros pour obtenir les services de Cristiano Ronaldo de Manchester United. Les dirigeants successifs du Real Madrid (Florentino Peréz et avant lui Ramon Calderon) en avaient fait une priorité participant à la surenchère de l'indemnité de transfert. Une surenchère qui peut paraître absurde mais qui n'est certes pas récente. Rappelons que Zinédine Zidane, ex-recordman du transfert le plus cher de l'histoire du football a été obtenu à l'époque au prix de 77 millions d'euros, somme parfaitement abstraite pour le commun des mortels tellement l'accumulation de zéros la rend inaccessible à l'esprit du vulgum pecus.

77 millions d'euros dont le joueur ne perçoit en principe pas un kopeck* (normal vu qu'il s'agit d'euros...) mais qui se sont révélés un investissement fructueux en ce qu'ils ont été rentabilisés en deux ans grâce aux droits dérivés...


La valeur marchande de l'image Zinédine Zidane était donc correctement estimée par le Real Madrid. Il ne les aurait pas valu au Nîmes Olympique (n'en déplaise au Faucon) tout comme Cristiano Ronaldo n'aurait pas valu 94 millions d'euros s'il avait été acquis par le Paris Saint-Germain tant la vente de maillots floqués au nom du buteur portugais n'aurait aucune comparaison entre le club madrilène et celui de la capitale française...question d'aura médiatique.

On peut certes regretter que cette embolie financière participe de la déshumanisation d'un sport au succès planétaire, surtout d'un sport qui se veut populaire, mais cibler ses attaques sur les sportifs relèvent plus d'un fond de jalousie malsaine que d'une réflexion mesurée.

Les salaires


Il est bien étrange d'entendre pousser des cris d'orfraies lorsque sont évoqués les salaires des footballeurs. Ces quelques bienpensants, ayatollahs de l'égalitarisme, prétextent que la crise financière actuelle rend inacceptables ces salaires astronomiques. Argument ubuesque en ce que justement elle les justifient !

Nous n'avons de cesse d'entendre ça et là, les politiciens et économistes appeler de leur voeu à une responsabilisation des dirigeants d'entreprise et à une meilleure répartition des richesses dégagées entre revenus du capital et revenus du travail. Nicolas Sarkozy s'était lui-même fait le défenseur d'une répartition à raison d'un tiers pour l'actionnariat, un tiers pour l'investissement et un tiers pour le salariat.

Belle utopie lorsque l'on sait que la part salariale dans la valeur ajoutée n'a cessé de chuter depuis la fin des années 80 au profit du capital, devenant même inférieur aux chiffres de 1970 !

Alors, lorsque dans un secteur d'activités comme dans le football, cette répartition se fait plus égalitaire, il faut s'en réjouir et s'en inspirer pour continuer un tel mouvement ! Un gauchiste qui dénonce les salaires des footballeurs cautionne, de fait, un rééquilibrage en faveur du capital ! Situation ubuesque, n'est-il pas?

Il est en effet illusoire de croire que sous prétexte que l'on limitera la rémunération des sportifs, l'excédent financier ira en faveur du consommateur. Les prix des produits et services du football ne varieraient probablement que marginalement dans la mesure où ceux-ci sont basés sur la loi de l'offre et de la demande.

Rappelons en effet que la spirale du succès financier d'un club démarre avec le succès populaire: plus les téléspectateurs sont au rendez-vous des événements footballistiques, plus les spectateurs se rendent au stade, plus les supporters achètent de produits dérivés, plus les droits de diffusion télévisuels seront négociés à la hausse, plus le budget du club sera conséquent.
Faut-il insister pour qu'un rééquilibrage se fasse au détriment de la masse salariale?

Bien sûr, cet question rhétorique n'élude pas un autre problème qui est celui de la distance qui se crée entre l'image populaire du football des favelas du Brésil ou des rues de Kinshasa et la pratique des professionnels de haut niveau. Il s'agit à mon sens d'une problématique distincte qui implique une approche différente.

En attendant, au lieu de rejoindre la meute et hurler au scandale sur la rémunération des sportifs, il faudrait au contraire l'applaudir et étendre cette évolution à l'ensemble des salariés du football et idéalement, aux autres secteurs d'activité.

Belle utopie, n'est-ce pas?

*sauf l'usage selon lequel 5% de l'indemnité reviennent au joueur transféré

6 commentaires:

  1. Bouh, pourquoi tant de haine à mon égard ^____^ ?

    Ton billet est bon, assez juste d'ailleurs. Et d'un cynisme fortement réaliste. J'ai envie de croire, même si c'est pas évident, qu'il y a d'autres valeurs dans le sport, et que c'est compréhensible ces investissements qui dépassent une certaine décence choquent dans quelques endroits.

    Et puis on se dit qu'ils vendent du rêve... Et quand j'étais petit, le rêve que me donnait Waddle ou Papin n'avait pas de prix... Le rêve que donnera Cristiano Ronaldo au petit Madrilène ne se paiera avec une carte Mastercard...

    Bon billet en tous cas, qui pose de bonnes questions. Auxquelles on ne répondre qu'avec ses trippes plus que sa raison.

    Bonne soirée

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  2. Merci le Faucon,
    Mais le supporter parisien que je suis ne peut s'empêcher de tâcler un confrère marseillais. :D
    Je rejoins cette désillusion cruelle qui t'anime: nos enfants pourront-ils rêver comme nous avons rêvé des George Weah, Raï et autre Valdo?
    J'en doute mais le salaire des footballeurs en est-il la principale cause? Je ne le crois pas bien que je suspecte fortement qu'il s'agit là des effets d'une société du tout-économique, capable de reléguer d'autres valeurs plus nobles à un rang inférieur.
    Rapporté au monde footballistique, l'amour du maillot, d'un joueur, des supporters, d'une âme, d'une histoire ou d'une culture ont quasiment disparu à la faveur du "combien m'offrent-ils?"

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  3. Franchement, Nemo (et Falconhill aussi), ce genre de point de vue me met mal à l'aise, malgré son côté satirique. Le sport en soi est une bonne, et même très belle chose, mais sa place dans notre société devient démesurée. Pour moi, c'est un phénomène comparable à son importance dans l'empire Romain, à la fin: "du pain et des jeux". Enfin, surtout des jeux pour nous… Il y a quelque chose de démagogique dans la manière dont le sport a envahi nos médias, et dans la façon dont les politique l'utilisent à la moindre occasion. Ceci dit, je trouve les sommes en jeu, ni plus ni moins délirantes que celles de toutes les autres "stars" d'une spécialité, chanson, finance… Mais je doute que le fait de banaliser les gains d'une élite puisse avoir le moindre effet sur le cas général.

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  4. Le coucou,
    Merci de me donner l'occasion de ressortir ce billet:
    http://uniqueetcommun.blogspot.com/2009/02/panem-et-circenses.html

    Je rejoins ton analyse sur la place démesurée du divertissement (y inclus le sport) dans notre société.

    Pour autant, l'indécence des sommes en jeu est plus un effet de fort contraste dû au creusement des inégalités de rémunération.

    Or, ce n'est pas en stigmatisant les sportifs ou en réduisant leur rémunération que l'on réglerait ce problème.

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  5. Je suis d'accord : il ne servirait à rien de stigmatiser les sportifs, et les inégalités de rémunérations devenues énormes, faussent la perception du phénomène.
    Ceci dit, je vais lire…

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  6. Le coucou,
    Il n'est tout de même pas interdit de s'interroger sur cette société qui surrémunère le divertissement lorsque le philosophe, le médecin ou l'avocat voient leurs situations se dégrader de jour en jour...
    Il n'y a qu'un pas pour faire l'analogie avec les Majors du divertissement dont on tente bec et ongles de défendre les intérêts financiers lorsque d'autres sont pleinement ignorés...

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