mardi 7 juillet 2009

Travailler le dimanche: la farce du volontariat

Nicolas Sarkozy est un entêté.
Ça, nous le savions déjà. Désormais, c'est le travail du dimanche qui semble être l'objet de sa lubie.

J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer mon scepticisme quant au projet d'ouverture des magasins le dimanche en France bien qu'en Angleterre, cela fonctionne plutôt bien. Seulement, le raisonnement n'est pas transposable d'un pays à l'autre. Question de culture sans doute.

Le premier pilier de cette réforme aux allures d'arlésienne, serait de s'en remettre au volontariat.
Seuls les salariés volontaires pourraient être éligibles à un tel dispositif. Le second serait que la rémunération du travail du dimanche serait double...[Mise à jour 18h00: Seulement pour certains !]

L'ypocrisie du volontariat

Petit rappel à destination des profanes du droit: notre système juridique de "droit civil" repose sur un corpus hérité du droit romain dans lequel la théorie de l'autonomie de la volonté nous a donné notre droit des contrats moderne. Un contrat n'est valablement conclu que si les parties ont eu un consentement libre et éclairé, c'est-à-dire exempt de pressions, de tromperies, de violence...

Aussi, le législateur s'est-il rendu compte au fil de l'Histoire, que l'on ne pouvait traiter tous les contrats de la même manière.
Ainsi naquîrent certaines branches du droit dont le droit du travail élaboré afin de prendre en compte la dimension déséquilibrée de la relation employeur/salarié qui appelle une protection particulière de la partie la plus faible. En effet, le pouvoir de négociation, le "bargaining power" en droit anglo-saxon, est susbtantiellement différent selon le côté du lien de subordination où vous vous situez. Ainsi, le droit social s'est constitué sur la base de garde-fous en faveur du salarié afin de contrebalancer la toute-puissance de l'employeur dont la seule véritable limite avait été jusque là la capacité d'épuisement physique ou moral du travailleur.

Or, le contexte actuel rend la position du salarié encore plus fragile que d'accoutumée: baisse du pouvoir d'achat, glissement des revenus du travail en faveur du capital, omniprésence du chômage et crise économique accentuent ce déséquilibre en faveur de l'employeur.

En effet, qui a véritablement le choix?

La population visée par le travail du dimanche est essentiellement celle des caissières, des serveurs, des hôtesses, des agents de rayons, etc. Des postes qui brillent par leur précarité et leur faible rémunération.

Comment empêcher ces français de sacrifier leur dimanche de crainte de n'être mal vu par sa hiérarchie?
Comment empêcher un employeur de vous rappeler que 100 candidats sont prêts à accepter votre poste et de travailler le dimanche?
Comment empêcher que l'on vous refusât vos dates de congés, de partir plus tôt le vendredi ou de vous éclipser tel jour pour aller chercher votre enfant à la crèche parce qu'officieusement vous avez refusé de travailler le dimanche?
Comment ne pas voir que ces français ne pourront se permettre de refuser cet argent supplémentaire pour vivre décemment?
Comment empêcher ces français d'accepter de renoncer à une semaine de vacances en échange d'un poste de travail?

"Travailler plus pour gagner plus"
vous rétorquera-t-on.
Combien représente le surplus de rémunération pour la plupart de ces salariés? 100 euros pour la journée?

100 EUR de plus sur votre fiche de paye en échange d'une journée avec votre famille, vos amis, à profiter de vos loisirs, à lire, à prier, à méditer...100 EUR pour un peu de liberté. Oui, quand on est au travail, on n'est pas libre.
100 EUR contre tout ça...c'est ce qu'on appelle le sens des valeurs.

Mais le problème n'est pas celui du montant: la contrepartie financière rend-il votre consentement libre et éclairé? Suffit-il d'allonger les zéros pour compenser l'inchiffrable?

Mais que pouvait-on attendre d'un gouvernement dont l'omniprésident a décidé d'ériger l'argent en seule valeur digne d'intérêt?

Des volontaires pour travailler le dimanche?
Nul doute que ces volontaires sont d'ores et déjà désignés...

Mise à jour 18:00: Allez lire le billet de Disparitus et celui de Claudio qui abordent le problème sous d'autres angles tout aussi intéressants.

9 commentaires:

  1. Je trouve cette obligation de travailler sans contrepartie pour les salariés qui vont, de fait, perdre l'avantage du dimanche repos, tout à fait scandaleuse. Travailler plus pour gagner plus, ça passe à l'as.

    Je trouve totalement idiot l'absence de gagnant gagnant que l'on institualise.

    Sinon, travailler ou pas le dimanche, si certains y trouvent leurs comptes pourquoi pas. Mais là je ne vois pas comment...

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  2. Le faucon,
    Toute la question est justement de savoir qui va y trouver son compte.
    Les chômeurs? Toutes les études ont démontré qu'il n'y aurait aucune création réelle d'emploi.
    Les salariés actuels? Vont-ils véritablement bénéficier d'une paye double le dimanche? Cela vaut-il vraiment le sacrifice social?

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  3. Ce que je crains, moi aussi, ce sont les pressions. La situation actuelle me semble satisfaisante, pourquoi veut-il la changer ?

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  4. et alors comment ca se passe en Angleterre ou apparemment tu vis ? les gens sont-ils si malheureux de bosser le dimanche ? sont-ils obliges de renoncer a leurs vacances comme tu le decris en hypothese en France ??

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  5. Non, comme je l'ai dit, ça se passe très bien, bien que les magasins ferment beaucoup plus tôt (et en semaine, ils ferment aussi plus tôt qu'en France).
    Mais comparaison n'est pas raison, la culture y est fondamentalement différente !

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  6. C'est bien la hiérarchie des valeurs qui est en jeu. Et il devient urgent d'amener le débat politique sur ce terrain.

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  7. Tu as raison

    Travailler plus pour gagner plus

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  8. C'est devenu précarité plus pour emprunter plus

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  9. Disparitus,
    Je m'interroge: peut-être le gouvernement entendait-il procéder à ces réformes en deux temps?
    D'abord les réformes pour travailler plus puis dans un second temps, les réformes pour gagner plus...arf...

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