dimanche 22 juin 2008

Rassurez-nous, vous avez déjà 15 enfants, tout va bien?

Ainsi s'adressa un recruteur à un candidat lors d'un entretien pour un poste d'avocat collaborateur au sein d'un cabinet.

En dépit des règles protectrices en matière de relations du travail, et de l'arsenal répressif applicable en France en matière de discriminations, il n'est malheureusement pas rare - et je me fais l'écho ici de l'expérience d'amies proches - que cette question s'immisce dans un entretien et ce, avec plus ou moins délicatesse ou de diplomatie.

Les femmes qui se retrouvent dans pareille situation savent ô combien il est délicat de ne pas se sentir heurtée par le caractère manifestement intrusif d'une telle réflexion.

Si l'on peut d'emblée jeter l'opprobre sur les professionnels qui se permettent sans vergogne aucune une telle violation de la vie privée, il est une problématique sous-jacente plus vaste et peut-être plus sensible qu'il convient de protéger avec fermeté et combativité.

Vous apprendrez au gré de la longévité de ce blog, que bien qu'étant à l'écoute de mon instinct, je ne suis pas homme à condamner et juger solennellement sans procéder à une nécessaire réflexion préalable qui implique entre autres d'ouvrir la porte à la contradiction.

En outre, je privilégie généralement la réflexion sur les causes qui amènent à une situation conflictuelle plutôt que de me contenter de considérations in abstracto. N'est-ce pas le meilleur moyen de prévenir la survenance de ces situations à l'avenir en protégeant les intérêts de chacun?

Donc, loin des pratiques ayant cours dans les strates présidentielles, évacuons pour le moment l'empathie pour la victime.
Arrêtons-nous pour le moment sur ce qui anime le recruteur à pénétrer l'intimité d'une candidate.

Premier cas: la réponse n'intéresse pas l'interlocuteur.

Celui-ci cherche à cerner la personnalité de la candidate à la lumière de la réponse qui lui sera faite.
"Est-elle timide ou s'affirme-t-elle? Soumise ou plutôt rebelle? Emotionnelle ou rationnelle?..."
A ces techniques de recrutement, on peut y opposer un grand nombre, brillant par leur qualité et leur acuité sans pour autant se risquer à une telle intrusion.
L'excuse de la technique de recrutement n'est donc pas satisfaisante.

Deuxième cas: le simili Don Juan

L'indélicat recruteur masculin plus intéressé par le décolleté de la candidate que par ses compétences, recherche un intimité avec la candidate au moyen de questions personnelles.
Un entretien d'embauche est certainement le dernier lieu pour la gente masculine pour courtiser le sexe opposé dans la mesure où toute question déviant de l'objectif de l'entretien - qui est de s'assurer pour les deux parties que l'offre d'emploi correspond bien au demandeur et réciproquement - est susceptible d'entacher le recrutement d'une évidente discrimination.
Bien sûr, ces indélicats auront vite fait de se protéger derrière la difficulté d'amener la preuve de ces goujateries pour persévérer

Troisième cas: le futur employeur inquiet

Voilà certainement la situation la plus susceptible de provoquer l'empathie.
Quel employeur ne s'est-il pas retrouvé dans une situation où un jeune employée annonçait son absence pour grossesse, à peine célébré son premier anniversaire au sein de l'entreprise?
Pour autant, l'employeur est loin d'être désarmé face à un événement aussi incontournable qu'une grossesse dans la vie d'une employée.
Par exemple, l'absence pour congé-maternité est un cas de recours au contrat à durée déterminée légalement admis. Il est possible en outre de mettre en place une gestion permettant d'anticiper de tels événements (interlocuteurs de remplacement, renvois d'appels,
Certes, les solutions ne sont pas idéales et parfois coûteuses, voire difficiles à mettre en place dans des entreprises modestes ou lorsque l'activité permet difficilement des solutions de contournement.
Il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas acceptable que l'employeur ou le recruteur fasse supporter cette pression ou ces difficultés sur les femmes actives car culpabiliser ces dernières n'amène pas de solutions concrètes à l'entreprise. Pire, une telle pression contribue à dégrader les relations et à créer un climat d'absence de confiance, terriblement empoisonnant dans un environnement de travail.

Dès lors, je réitère:
Mesdames, mesdemoiselles, refusez de répondre favorablement à ces questions !

Qu'y répondre?

L'humour, acerbe ou potache, à votre convenance est certainement une très bonne arme.
Autre solution: répondre par une autre question du type: "Pourquoi me demandez-vous cela? Connaitriez-vous des problèmes de fonctionnement dans l'entreprise dès qu'une femme est en congé-maternité? Je peux vous proposer des solutions non coûteuses pour gérer efficacement un tel événement.
Si le recruteur persévère, répondez simplement que dans la mesure où votre vie familiale n'a pas de lien avec le poste à pourvoir, vous ne souhaitez pas répondre à cette question.
Finalement, si celui-ci s'entête, rappelez-lui simplement que cette question est tout bonnement prohibée par les dispositions légales et réglementaires en vigueur dans notre pays.

D'aucuns rétorqueront que les conseilleurs ne sont pas les payeurs, certes.
Mais de ma petite expérience, mesdames, mesdemoiselles, vous ne voudriez pas travailler avec un tel employeur, même si vous pensez ne jamais désirer d'enfants car cette propension à envahir votre vie privée et la mêler aux questions professionnelles peut rapidement devenir impossible à vivre. En tout état de cause, comme nous l'avons vu, déplacer la pression sur les salariées ou futures employées ne résout en rien les problématiques que peuvent rencontrer les employeurs. Pis encore, c'est un empoisonnement des relations du travail que nul ne souhaite.

Je pense compléter ce propos en commettant un billet prochainement qui portera sur le juste équilibre (possible à mon sens!) à trouver entre la bonne gestion de l'entreprise et la protection de la vie privée et de la politique familiale en France.

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