Diantre, m'accointerais-je intimement avec mon auditoire, à peine lancée cette fabuleuse aventure bloguesque !
Que nenni ! Le tutoiement ne vous était pas adressé, public aimé (enfin, vous qui êtes tombé sur ma page par erreur et ferez office de public aimé pour aujourd'hui) mais il est le fruit d'un travail acharné d'une seconde trente donnant jour à ce que d'aucuns qualifieraient de merveille de l'intitulation !
Passé cet aparté impérieusement nécessaire, prenons un instant si vous le voulez bien (formule réthorique absolument inutile) pour réfléchir à cet omniprésent tabou en France: l'argent.
Ce qui m'amène à cette réflexion est la récente défaite de l'Equipe de France de football en phase de poules de l'Euro2008. Plus exactement, ce sont les réactions que cette défaite suscite auprès d'un certain public français.
Quel rapport avec la choucroute?
Minute, papillon, j'y viens.
La mauvais fortune des représentants sportifs tricolores de haut niveau est souvent l'occasion rêvée pour beaucoup de s'adonner à un exercice au succès incontestable, l'attaque ad personam.
Celle-ci a souvent pour motivation un mal inscrit dans l'inconscient collectif français, la honte de l'argent. En effet, que n'entendons-nous comme jérémiades telles que:
" Franchement, être payé des millions pour être aussi nul..."
" Ils font leur star, s'achètent des montres en diamant à 90.000,00 EUR, et n'en foutent pas une sur le terrain..."
" Ouais, tous pourris..." (Je suis friand de celle-là qui démontre l'éloquence et les qualités réthoriques de son auteur d'une manière redoutable...)
Le sujet de ce billet ne portera pas sur les travers du "football business" et les montants astronomiques que certains joueurs professionnels peuvent toucher, mais je veux vous parler de cette relation du "je t'aime, moi non plus" que les Français entretiennent avec l'argent.
Pourquoi donc cette honte, ce tabou inscrit dans la culture française ?
Philippe Bilger commettait un billet suscité par une question posée à Lilian Thuram, qui bien que simple impliquait une réponse autrement plus complexe:
http://www.philippebilger.com/blog/2008/06/le-don-du-silence.html
"Lilian Thuram, combien gagnez-vous?"
- Moins que ce que vous pensez ou peut-être plus !" (Le Parisien, 21 mai)
Ce billet avait d'ailleurs suscité de ma part le commentaire suivant:
http://www.philippebilger.com/blog/2008/06/le-don-du-silence.html#comment-118086046
Pour vous en résumer la teneur, lorsque quelqu'un vous pose une telle question en public, celle-ci loin d'être anodine est nécessairement teintée d'une pointe d'hypocrisie, voire de perversité.
Généralement, l'auteur-même de la question se garderait bien de parler de son propre salaire en public, n'ignorant guère les conséquences d'une telle information.
Et pour cause, révéler de tels secrets, c'est prendre le risque de voir déferler une horde de "bienpensants" qui feront de vous un "privilégié" et un "profiteur", induisant à la conclusion qu'un homme fortuné ne peut être bon.
Cette stigmatisation systématique révèle une autre crainte plus profonde, celle de l'abus de privilèges.
En effet, une espèce de suspicion latente, galvanisée par ces personnes "bien intentionnés" (celles-là mêmes qui aiment à penser à votre place) fait des plus fortunés, voire des gens simplement aisés, des individus au cœur de pierre (car ces profiteurs bien évidemment ne font pas preuve de charité).
L'équation est simpliste et manichéenne: faire le procès d'intention d'inconnus sur la simple foi de leur compte en banque est en soi, déjà inacceptable.
Ce sous-entendu selon lequel le montant de votre capital disponible est inversement proportionnel à votre bonté d'âme aura fini d'avoir raison de la logique.
Doit-on inscrire dans la Constitution de 1958 le vœu de charité?
Doit-on réprouver toute velléité d'aisance financière?
Finalement, ne doit-on pas plutôt s'occuper de ceux qui ne gagnent pas assez?
N'est-ce pas là, le vrai combat?
Le jour n'est peut être pas encore arrivé ou tout un chacun pourra parler librement en France de son argent.
Ce jour arrivera peut être lorsque les Américains pourront dépasser leur propre tabou en parlant librement et publiquement de sexe sans verser dans l'extrémisme de la vulgarité ou dans celui du puritanisme néo-conservateur.
A chaque société ses tabous.
mercredi 18 juin 2008
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