lundi 28 septembre 2009

Les frais bancaires: une question de culture?

Haro sur les frais bancaires !
Bruxelles par la voix de sa commissaire européenne responsable de la Protection des consommateurs, Meglena Kuneva, tire la sonnette d'alarme sur l'opacité des pratiques ainsi que les abus de nos établissements financiers en la matière. (Voir le rapport ici)

Mettons à mal tout de suite l'espoir du consommateur. Il ne s'agit pas d'obliger à une réduction des prix - sauf incidemment - mais simplement de forcer la transparence des frais, espérant vraisemblablement une baisse par contre-coup.

Mais quelle est la réalité?

Rappelons tout d'abord que la France n'est pas la championne d'Europe des frais bancaires comme vous pouvez le voir dans le schéma ci-contre.

Nos amis transalpins mènent largement la danse: avec un coût annuel de 253 EUR, les frais bancaires sont en moyenne 65% plus chers qu'en France, soit 150% de plus qu'au Royaume-Uni !

"Diantre, mais alors les banques s'enrichisseraient beaucoup plus volontiers au détriment du consommateur dans les pays prétendument plus réglementés?"

Non plus. L'Allemagne, pays économiquement proche de la France du point de vue réglementaire en est le symbole: les frais y sont 42% moins chers en moyenne.

- Je ne comprends plus rien Nemo. Le Royaume-Uni est pourtant le pays des banques par excellence forte de son libéralisme et de sa déréglementation. L'Allemagne est plutôt bien réglementée à l'image de la France..."

Cher lecteur, il faut croire que les frais bancaires sont à l'image de la crise économique que nous traversons. On voudrait mettre le libéralisme au pilori au motif fallacieux qu'il est synonyme d'absence de réglementation sans faire cas des nombreuses déclinaisons existantes et au détriment d'une réflexion sur le type de réglementation qu'il convient d'adopter.

En matière de réglementation, la France est pourtant fort bien pourvue. Pour autant, le consommateur n'en est guère correctement protégé.

Déréglementation ne rime pas nécessairement avec une parfaite concurrence et la réglementation n'aboutit pas non plus systématiquement à une meilleure protection du consommateur.

- On se fait véritablement avoir donc en France...la réglementation donne l'illusion de la protection alors que les abus sont nombreux.

Minute, papillon ! Il faut apporter des nuances importantes à la réflexion !
Réflechissons un instant sur les raisons pour lesquelles ces banques se permettent de tels errements. L'absence d'une politique répressive et préventive judicieuse est évidemment un premier facteur.

L'autre élément ressort du domaine des sources de revenus pour les établissements bancaires dont il nous faudrait connaître les marges et bénéfices dégagés dans chacun des pays concernés par le rapport. En effet, il est possible qu'afin de garantir une rentabilité aussi importante que dans les autres pays, les banques doivent-elles impacter, fût-ce manière indélicate, le "manque à gagner" sur le consommateur.

Ne vous méprenez pas, ces agissements ne sont pas le moins du monde acceptable mais si l'on ne réfléchit pas aux sources du mal, il est illusoire d'adopter une réglementation efficace.

- Fermez la porte, on passera par la fenêtre !"

Exactement.

- La situation est-elle vraiment différente d'un pays à l'autre?

Comparons deux pays que je connais bien à mon échelle de consommateur si vous le voulez bien.
Là où il m'était impossible d'ouvrir un compte sans me faire débiter des frais de gestion, de cartes bancaires, d'accès à mon compte par Internet de l'ordre de 7 EUR par mois, quelle n'était pas ma surprise en apprenant qu'ici en Angleterre, non seulement je ne payerai rien pour un service encore plus performant, mais surtout que mon compte courant serait rémunéré!

Je reçois mon relevé de compte mensuellement par papier, j'ai un accès Internet depuis lequel je peux faire des virements gratuits vers n'importe quel compte anglais, j'ai une carte de débit Visa internationale, mon compte est rémunéré.

- Une carte de débit?

Question très pertinente, cher lecteur. Effectivement, la notion de carte de débit et de carte de crédit n'existe pas réellement en France. Les banques jouent volontiers sur cette opacité*. Une carte de débit est simplement une carte de paiement avec débit immédiat sur le compte. Une carte de crédit est un service payant par lequel un établissement financier vous accorde une réserve de crédit renouvelable (par exemple 2000 GBP par mois) pour vos dépenses, indépendamment de vos rentrées financières, dont les remboursements seront étalés sur l'année. Extrêmement répandue, c'est un véritable moteur de la consommation. Le problème étant que les ménages consomment à crédit au détriment de leur véritable capacité de remboursement. Je suis personnellement contre cela. J'essaie de ne dépenser que ce que j'ai en argent disponible. Lorsque je n'ai pas, j'économise plutôt que de faire un achat immédiat. En France donc, on vous facture des frais pour tout type de carte bancaire Visa ou autres.

- Les banques anglaises se rattraperaient donc sur d'autres activités?

Arrêtons-nous un instant sur le fonctionnement du crédit au Royaume-Uni.
Essayez-donc de faire une simulation de prêt immobilier auprès d'un banquier britannique. Vous aurez bien du mal à vous y retrouver. En effet, lorsque en France, vous avez le choix entre un taux fixe, un taux variable avec une limitation de +1 ou +2 points ("cappé" selon le jargon bancaire) sur une période fixe, en Angleterre, vous ne trouverez aucune banque pour vous prêter à taux fixe sur une période supérieure à 10 ans.

Du coup, on peut aisément comprendre qu'il soit possible de ne plus être en mesure de rembourser un prêt immobilier en cours de vie même si votre revenu est constant. Mais il faut aussi savoir que l'accent est fortement mis sur la concurrence. Il est extrêmement rare ici de rester fidèle à la même banque du point de vue du crédit immobilier.
Sauf que lorsque l'on est comme c'est le cas actuellement en période de taux d'intérêts extrêmement bas, on se moque de pouvoir renégocier d'ici 15 ans sachant que ces taux ont très peu de chance de diminuer.

En conclusion, si l'on peut militer pour la transparence des frais bancaires en France, celle-ci aboutira peut-être à une diminution relative des frais de gestion de compte courant (seuls concernés par l'étude en question) mais il est aussi à craindre l'effet pervers par lequel les établissements financiers trouveraient d'autres moyens de maintenir leur rentabilité. (Diminution des capacités de prêt, augmentation des taux d'intérêts immobiliers, etc...)

Il faut donc instituer :
1. Un ensemble de règles cohérent et pertinent visant à un contrôle efficace et une transparence des frais bancaires permettant une meilleure visibilité sur la concurrence
2. Un contrôle coercitif de l'ensemble des pratiques bancaires à l'échelle européenne et non se contenter d'établir des règles de bonne conduite qui ont prouvé leur inefficacité jusqu'à présent. Après tout, une loi qui ne peut être sanctionnée n'est pas une loi.

* La loi MURCEF de 2001 par ailleurs oblige les banques désormais à porter la mention "carte de crédit"...mais, la transparence dans la communication n'y est toujours pas.

10 commentaires:

  1. Ton analyse est fort pertinente mais ta conclusion et tes propositions me semblent un peu illusoires.

    Pour moi il est impossible que des règles réellement efficaces puisse exister à l'encontre des banques.

    Il n'y a qu'à voir le 7ème rappel à l'ordre de Nicolas Sarkozy à leur encontre alors même qu'il a injecter des millions d'euros afin de les sauver.

    Le pays a besoin de ses banques et l'Europe aussi. Alors rapidement les autorités politiques préfèrent faire profil bas et compenser leur incapacité à réguler quoi que ce soit par de la communication.

    M'enfin bon cela n'enlève rien à la pertinence de ton raisonnement, juste à son réalisme.

    Ah pardon premier commentaire pour moi donc.

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  2. Fabien,

    Merci pour ce premier commentaire.
    Sur le fond, je ne crois pas irréaliste sauf eu égard aux réelles motivations de nos dirigeants, de réglementer intelligemment le secteur bancaire. L'idée d'un régulateur européen n'est pas nouvelle par ailleurs mais elle droit être concrétisée (la Grande-Bretagne s'y oppose par ailleurs).

    On peut obliger à la transparence des frais, leur publication, interdire la multiplication des frais cachés, tout en rendant claire la pratique du crédit. Ce serait déjà un bon début pour cesser d'exiger deux mille garanties de la part d'un simple salarié pour obtenir un prêt immobilier...

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  3. Il serait interessant de savoir quelle est la pary des différentes cotisations aux frais bancaires dans les benefices des banques.
    Si on prend l'exemple de la BNP qui reverse 1 milliard d'€ à quelques traders, il me semble qu'a eux seul ils engloutissent déjà la quasi totalité des frais bancaires.
    Je ne connais pas les chiffres, mais il me semble que les frais bancaire pourraient tout simplement être supprimés, ou que tous les comptes courant soient rémunérés.

    Bref, comme d'habitude, tant que la vache à lait n'a pas le choix de payer et que le berger du troupeau ne s'en mèle pas, on sera traient jusqu'a ce que mort s'en suive.

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  4. Ma banane,

    Il ne faut pas oublier non plus la compétivité des banques ! Si réglementation il y a, celle-ci doit être internationale, a minima européenne !

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  5. Plusieurs réflexions:
    1- Si la France n'est pas championne, sa 3e place lui donne tout de même l'honneur du podium !
    2- Il est aussi possible d'avoir une carte de crédit qui ne coûtera rien en Angleterre: il suffit de demander a la banque que le solde de la carte soit remboursé en fin de mois. En France on appelle cela du débit différé et c'est payant. En Angleterre c'est gratuit.
    3- Le corollaire de taux très bas est que les Anglais changent moins de banques actuellement (essentiellement pour les crédits) car les spreads étant élevés et les frais de dossiers souvent multipliés par 10 depuis 2 ans n'encouragent pas au changement, face a des taux très bas.

    A mon sens, la première mesure est d'éliminer les frais de fermeture de comptes, afin de rétablir la concurrence entre les établissements financiers: un peu comme pour les telecoms, ou il a fallut une directive de Bruxelles pour pouvoir échanger les numéros de téléphone entre opérateurs, bien sur opposés a toute flexibilité pour garder les consommateurs captifs.

    Bon, a par ça, un truc qui devrait te plaire:
    http://ukpollingreport.co.uk/blog/archives/2284

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  6. Vonric,

    C'est effectivement une bonne idée que celle de supprimer les frais de fermeture...si on l'associe avec une suppression des frais d'ouverture.

    Merci pour le lien, je crois que je vais en faire un court billet !

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  7. Pour compléter le commentaire de Vonric, on peut aussi noter qu'en Angleterre, il n'est pas nécessaire d'avoir un compte dans un banque pour y avoir un emprunt immobilier, alors qu'en France c'est, sinon absolument obligatoire, au moins la règle en pratique.

    Du coup, ça encourage les gens non seulement à rester fidèles à leur banque pour leurs comptes courants, mais aussi à changer de banque pour leurs emprunts.

    Ceci dit et globalement, je trouve aussi un peu simpliste de vouloir comparer les frais bancaires tout seuls, alors que ça n'est que la partie visible de l'iceberg -- les taux d'intérêts étant bien sûr l'un des éléments "invisibles". Mais du coup, comment peut-on essayer de quantifier ce que coûtent au final les banques à leur clients ? Je comprends l'envie des gens de savoir si leur banque leur coûte plus cher qu'à d'autres, mais est-ce mesurable ?

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  8. Rémi,

    C'est exactement le propos de mon billet.
    Ne nous contentons pas de comparer les frais afférents aux comptes courants, mettons à plat l'ensemble des services bancaires !
    Je ne suis pas sûr que nous tirions les mêmes conclusions d'une telle étude.

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  9. A noter toutefois que les banques françaises font la majeure partie de leur CA sur le dos des particuliers (le retail banking). Quelque part, cela doit bien confirmer des frais bien trop élevés (j'attends qu'on m'explique en quoi un virement national, qui plus est sur Internet, coûterait quelque chose aux banques en France alors que c'est gratuit en Angleterre)

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  10. Vonric,

    On peut aussi l'interpréter dans le sens que les banques ne gagnent pas "assez" par leurs autres activités. Je n'avance néanmoins aucune raison à cela (réglementaire, culturelle, ou naturelle...)

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