On ne peut guère parler de réforme si ce n'est de déforme de la justice française dans la mesure où les ambitions affichées par l'Elysée sont très claires et sauf mobilisation majeure des professions judiciaires, voire juridiques, rien ne semble pouvoir freiner sa lancée.
Plusieurs volets de ces réformes devraient inquiéter très lourdement le peuple français en ce que la monarchisation élective de notre République avance à grands pas. Encore une fois, afin de faire passer ses ambitions, le Chef de l'Etat se terre derrière une armada d'experts et d'érudits à qui il est demandé d'établir un rapport dont on connaît hélas déjà la teneur.
C'est à se demander où diable s'est perdue l'intégrité dans ce pays lorsque l'on voit que malgré les protestations partagées par un grand nombre de professionnels, ceux qui ont été choisis ne s'en font, bien étrangement, pas l'écho.
Premier point:
La suppression du juge d'instruction. Doit-on encore rappeler qu'elle n'est pas souhaitable?
D'aucun ne manqueront pas de souligner que la France fait preuve de chevalier blanc en la matière en ce qu'elle est l'un des derniers exemples en Europe et dans le monde du juge d'instruction. Mais ce n'est pas un argument recevable pour en décider la suppression !
Le juge d'instruction est celui chargé de l'enquête dans les procédures pénales les plus lourdes. Son intervention ne concerne en général qu'environ 5% des dossiers, ce qui est peu si l'on se contente de chiffres, mais énorme si l'on analyse la teneur desdits dossiers. Ainsi en est-il des affaires Karachi, Elf, Frégates de Taïwan, Clearstream, etc...
Son rôle est de rechercher la vérité. Il n'agit pas en autorité de poursuite, ni en défenseur de quiconque mais au service de l'intérêt général. Il dispose de prérogatives lui permettant de procéder efficacement à une telle enquête "à charge et à décharge".
Tout l'intérêt est que selon que vous soyez puissant ou misérable, vous disposerez de la même qualité de justice et d'enquête. Au placard donc la procédure accusatoire américaine où la défense joue contre le procureur dans une procédure où le juge tient plus le rôle d'un arbitre que d'un acteur. En effet, le défaut majeur d'une telle procédure est que ce type de justice sert avant tout les intérêts des plus riches pouvant se permettre le luxe d'embaucher une armada d'avocats et d'enquêteurs contre les ressources limitées du District Attorney.
Le juge d'instruction s'inscrit en droite ligne de l'héritage républicain de la France. L'hypergesticulant, dans son entreprise de destruction dudit héritage, n'est plus à une démolition près. Au revoir l'égalité devant la justice.
Deuxième point:
La soumission de l'autorité de poursuite au pouvoir exécutif.
Je ne vois pas comment un juriste peut soutenir une telle entreprise ! Un début de réponse est dans la composition hautement politique de la Commission Léger (voir l'encadré dans l'article du Monde.fr).
Que la séparation des pouvoirs en France ait connu une certaine souplesse ne signifie pas qu'on puisse la tordre totalement jusqu'à sa contorsion la plus totale !
Comment espérer que des affaires de corruption impliquant le pouvoir puisse jamais voir le jour en France si les carrières de nos procureurs et substituts sont à la merci d'un pouvoir exécutif, qui plus est fortement personnalisé ? Ce n'est pas acceptable !
Nicolas Sarkozy fait son supermarché des réformes: on prend uniquement ce qui nous convient dans la procédure accusatoire américaine.
Troisième point:
Dans la série des commissions "qui drapent les décisions de l'Elysée des habits de la crédibilité professionnelle", je demande la Commission Darrois !
Là aussi, l'empressement dicte sa loi. On espère ainsi faire passer en force une énième réforme qui permettra à l'avocat de piétiner définitivement des professions comme celle des juristes d'entreprises ou des notaires.
Toutes ces réformes visent à "américaniser" la justice et le droit français tout en sélectionnant ce qui n'irait pas dans le sens qui permette un contrôle et une soumission à l'exécutif. Une profession pourrait bien en profiter: les avocats !
Tout leur sera permis sans que l'on fasse grand cas des personnes qui accomplissaient ce rôle par le passé: enquête au service de la défense (juge d'instruction), acte d'avocat (notaire), actes juridiques en entreprise (juriste d'entreprise), etc.
Tiens, Nicolas Sarkozy est avocat lui-même...une coïncidence?
Plusieurs volets de ces réformes devraient inquiéter très lourdement le peuple français en ce que la monarchisation élective de notre République avance à grands pas. Encore une fois, afin de faire passer ses ambitions, le Chef de l'Etat se terre derrière une armada d'experts et d'érudits à qui il est demandé d'établir un rapport dont on connaît hélas déjà la teneur.
C'est à se demander où diable s'est perdue l'intégrité dans ce pays lorsque l'on voit que malgré les protestations partagées par un grand nombre de professionnels, ceux qui ont été choisis ne s'en font, bien étrangement, pas l'écho.
Premier point:
La suppression du juge d'instruction. Doit-on encore rappeler qu'elle n'est pas souhaitable?
D'aucun ne manqueront pas de souligner que la France fait preuve de chevalier blanc en la matière en ce qu'elle est l'un des derniers exemples en Europe et dans le monde du juge d'instruction. Mais ce n'est pas un argument recevable pour en décider la suppression !
Le juge d'instruction est celui chargé de l'enquête dans les procédures pénales les plus lourdes. Son intervention ne concerne en général qu'environ 5% des dossiers, ce qui est peu si l'on se contente de chiffres, mais énorme si l'on analyse la teneur desdits dossiers. Ainsi en est-il des affaires Karachi, Elf, Frégates de Taïwan, Clearstream, etc...
Son rôle est de rechercher la vérité. Il n'agit pas en autorité de poursuite, ni en défenseur de quiconque mais au service de l'intérêt général. Il dispose de prérogatives lui permettant de procéder efficacement à une telle enquête "à charge et à décharge".
Tout l'intérêt est que selon que vous soyez puissant ou misérable, vous disposerez de la même qualité de justice et d'enquête. Au placard donc la procédure accusatoire américaine où la défense joue contre le procureur dans une procédure où le juge tient plus le rôle d'un arbitre que d'un acteur. En effet, le défaut majeur d'une telle procédure est que ce type de justice sert avant tout les intérêts des plus riches pouvant se permettre le luxe d'embaucher une armada d'avocats et d'enquêteurs contre les ressources limitées du District Attorney.
Le juge d'instruction s'inscrit en droite ligne de l'héritage républicain de la France. L'hypergesticulant, dans son entreprise de destruction dudit héritage, n'est plus à une démolition près. Au revoir l'égalité devant la justice.
Deuxième point:
La soumission de l'autorité de poursuite au pouvoir exécutif.
Je ne vois pas comment un juriste peut soutenir une telle entreprise ! Un début de réponse est dans la composition hautement politique de la Commission Léger (voir l'encadré dans l'article du Monde.fr).
Que la séparation des pouvoirs en France ait connu une certaine souplesse ne signifie pas qu'on puisse la tordre totalement jusqu'à sa contorsion la plus totale !
Comment espérer que des affaires de corruption impliquant le pouvoir puisse jamais voir le jour en France si les carrières de nos procureurs et substituts sont à la merci d'un pouvoir exécutif, qui plus est fortement personnalisé ? Ce n'est pas acceptable !
Nicolas Sarkozy fait son supermarché des réformes: on prend uniquement ce qui nous convient dans la procédure accusatoire américaine.
Troisième point:
Dans la série des commissions "qui drapent les décisions de l'Elysée des habits de la crédibilité professionnelle", je demande la Commission Darrois !
Là aussi, l'empressement dicte sa loi. On espère ainsi faire passer en force une énième réforme qui permettra à l'avocat de piétiner définitivement des professions comme celle des juristes d'entreprises ou des notaires.
Toutes ces réformes visent à "américaniser" la justice et le droit français tout en sélectionnant ce qui n'irait pas dans le sens qui permette un contrôle et une soumission à l'exécutif. Une profession pourrait bien en profiter: les avocats !
Tout leur sera permis sans que l'on fasse grand cas des personnes qui accomplissaient ce rôle par le passé: enquête au service de la défense (juge d'instruction), acte d'avocat (notaire), actes juridiques en entreprise (juriste d'entreprise), etc.
Tiens, Nicolas Sarkozy est avocat lui-même...une coïncidence?
La suppression du juge d'instruction après tout pourquoi pas mais il faut rendre le parquet indépendant. C'est ce qu'a d'ailleurs fait l'Italie en 1988.
RépondreSupprimerJ'ai écrit moi aussi un article sur ce sujet.
http://reversus.fr/la-justice-en-peril
Mancioday,
RépondreSupprimerEffectivement, la suppression du juge d'instruction doit aller de paire avec un parquet devenu totalement indépendant du pouvoir exécutif. Je ne suis toutefois pas en faveur de sa suppression car il est véritablement le gage d'un accès égal devant la justice alors qu'il y aurait potentiellement conflit d'intérêt avec un Ministère Public dont le rôle premier n'est malheureusement pas de rechercher la vérité mais de poursuivre.
Je vais aller finir de lire ton billet que j'avais par ailleurs déjà commencé. ;)
La bulle financiariste a toujours évolué dans une zone non pas de non-droit mais de sur-droit...
RépondreSupprimerElf, les frégates de taï wan, urba, etc, si elles ont fait coulé bcp d'encre n'ont que rarement conduit les condamné-e-s à de vraies peines. Ces affaires ont été et sont encore (clearstream) dépénalisées, il est donc "logique" de voir les justiciables décriminalisés à l'issue de procès paradoxalement retentissants.
L'issue de ces procès se "négocient" entre le pouce et l'index et restent exclusivement affaire de gros sous!!!
Avec cette déforme, l'hypervitaminé ne fait que révéler ce qui était dissimulé derrière une vitrine bien-pensante, amenant le citoyen à voir ce qu'on voulait le laisser voir...
Aujourd'hui comme hier, la justice reste une notion philosophique qui n'a hélas pas sa place dans nos livres de droit:
le droit est une chose, la justice en est une autre!
Si la France est un des rares pays au monde à disposer de juges d'instruction, il est aussi un des rares pays à avoir rayé la notion de "corruption" de son contexte juridique...
Quand a-t-on usé pour la dernière fois du mot "corruption" dans une affaire où pourtant d'éminents politiques étaient impliqués???
Attention, je ne cherche pas à dédouanner le surexité pour autant!!!
J'essaie simplement d'établir les rapports qui existent entre l'exercice du pouvoir (en France en l'occurence) et la perception qu'ont les citoyens-nes de cet exercice...
Un gouffre nous sépare!.. Que dis-je, un ravin!!!
Le nain s'est tracé une autoroute...
Ce qui ne cesse de me surprendre, ce n'est pas l'audace d'Attila mais bel et bien le stoïcisme de la population et surtout de sa représentativité Nationale!
L'autre grande question est de savoir comment un pays qui a pourtant fait l'expérience d'une "révolution" de 5 républiques et deux guerres mondiales, en est arrivé laisser un seul homme dicter SA loi sans réagir...
... Ca, ça me laisse sans voix!
... J'ai oublié de signer:
RépondreSupprimerPitt Bull
Putt Bill,
RépondreSupprimerJe crois effectivement que vous avez visé juste.
Ce devrait par ailleurs être dans le programme du Mouvement Démocrate: une plus forte répression des délits financiers car tout comme vous, je suis scandalisé d'entendre des dirigeants cumuler des peines sans prison ferme lorsque leur culpabilité a été reconnu avec intention de commettre l'infraction.
Et dire qu'on entend parler parfois de "république des juges".
RépondreSupprimerPar ailleurs, lisez le post que Gilles Devers conscacre à ce sujet brûlant, "Rapport Léger: du travail bâclé" sur son blog "Actualités du Droit" en date du 2 septembre. On y découvre que le dit rapport est bien léger, comme son nom semble l'indiquer, car il ne fait en tout et pour tout que ... 45 pages. C'est beaucoup pour y enfiler des platitudes, c'est peu pour ce qui veut apparaître comme une réforme majeure de notre (pauvre) justice. Il faut dire que la commission s'apparente plus à une chambre d'enregistrement qu'à un rassemblement d'esprits éclairés dont la réflexion va nourrir la pensée publique. Pour mémoire, deux de ses membres en ont démissionné en janvier dernier quand ils se sont aperçus qu rôle qu'on voulait leur faire jouer. La seule question qui vaille est: combien de légion d'honneur cela va-t-il coûter à la France?
Higgins,
RépondreSupprimerJe connais le blog de Gilles Devers grâce à Maître Eolas. Je vais lire ce billet dès que je le peux.
De toutes façons, il faut cesser d'être dupe face à ces commissions qui n'ont pour but que de donner l'apparence de l'objectivité à une décision déjà prise. Des chambres d'enregistrement comme vous dites. Ca s'empire de jour en jour.
... "empire" comme second Empire???
RépondreSupprimerPutt Bill
Oui mais en pire ! :D
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