jeudi 17 septembre 2009

La diversité à la télévision

Ce matin, avant de me rendre au travail, j'allume la télévision afin que ma fille d'un an puisse se réveiller en douceur devant les émissions enfants de CBeebies, affalée dans son canapé armée de son biberon.

Les programmes matinaux pour les enfants en bas âge sont plutôt de bonne facture au Royaume-Uni. Pédagogique, intelligent, et amusants...même si les erreurs existent.

Il y avait longtemps que je n'avais pas eu l'occasion de regarder quelques minutes de cette émission sur la BBC.

Généralement, j'avale mon petit-déjeuner composé d'un thé Earl Grey (je m'anglicise!) et de tartines de pain grillé en quelques minutes. Pas le temps donc d'allumer le poste qui ne me sert guère plus que comme support de diffusion de films choisi par mes soins.

Et là, soudainement, je me suis rappelé ce qui a de quoi nous rendre humble en France.
La BBC, chaine de télévision du service public britannique, dont la production télévisuelle est saluée à travers le monde pour sa qualité, association subtile de culture et de divertissement, jamais ordurier.

Cette BBC fait parfois figure de mastodonte archaïque prisonnière d'un conformisme victorien d'un autre temps.

Et bien, cette BBC là a toutes les raisons de faire rougir de modernisme, notre franchouillarde France Télévision.

Depuis quelque mois, le choix y a été fait d'engager Cerrie Burnellwith (la photo ci-contre) pour coprésenter les émissions jeunesse de la matinée de CBeebies.

Cette jeune présentatrice, née avec une seule main, ne cache à aucun moment l'objet de cette disgrâce physique. La chaîne a même décidé de ne pas le cacher le moins du monde.

Spontanément, je m'interroge:
"Serions-nous capable d'en faire autant en France?"

La seule personne qui me vienne à l'esprit dans le paysage audiovisuel en France est Jamel Debbouze.
Sauf qu'il incarnerait plus volontiers l'exemple type de cette gêne inavouée face au handicap.

Son bras devenu inerte suite à un accident de train à l'âge de 15 ans n'est jamais montré. Jamais. Peut-être s'agit-il de la pudeur du comédien. J'ai toutefois tendance à penser que la pudeur est la réponse protectrice au regard d'autrui.

Soyons honnêtes: la venue de la présentatrice britannique ne s'est pas faite sans heurts.
La direction de la BBC avait reçu quelques plaintes formelles de parents jugeant que la présentatrice était effrayante pour les enfants.
D'autres ont accusé la chaîne de sauter sur la moindre occasion pour montrer les minorités dans un élan de discrimination positive, peu compatible avec l'esprit anglais (qui sur ce point n'a rien de comparable avec la communautarisation américaine dans la mesure où elle est ici interdite par la loi).

Moi qui suis opposé à cette discrimination, repoussoir à talents, me voilà confronté à une télévision beaucoup plus représentative du tissu humain anglo-saxon que ne peut l'être le paysage audiovisuel en France.

Certes, la BBC affirme qu'il ne s'agit pas de discrimination positive. Mais l'argument ne résiste pas à l'analyse.

Le processus de recrutement a pu être fondé sur des critères ethniques, sexuels ou physiques. La preuve est bien évidemment difficile à administrer.

La télévision britannique est donc en avance sur la représentation des minorités.
Par exemple, les femmes sont bien représentées au service des sports de la BBC (cela devrait faire plaisir à Olympe). Les minorités ethniques notamment indiennes, pakistanaises, ou noires sont bien mieux représentées et ce, au journal télévisé comme dans d'autres formes de programme.

Je reste persuadé que la discrimination positive n'est qu'une fausse bonne idée prompte à ravive les tensions communautaristes. Mais j'applaudis lorsque je vois une présentatrice montrant sa disgrâce physique sans être ostentatoire.

Je crois en la capacité illimitée de l'Homme à faire preuve d'amour et de tolérance. Passée la réaction spontanée d'horreur, conséquence naturelle de l'omniprésente crainte de la mort depuis que l'homo sapiens a developpé une conscience, on accepte. Dix détourneront le regard, vingt regarderont avec bienveillance. Jusqu'au jour où des Cerrie Burnellwith feront partie naturellement du décor.

En attendant, je n'hésiterai pas à expliquer à ma fille dès qu'elle pourra me le demander, pourquoi cette femme est différente.

19 commentaires:

  1. Avant de lire l'article, en ne regardant que la photo, je me suis demandé ce qu'elle avait "d'anormal": je n'avais rien remarqué
    comme quoi...

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  2. C'est tout le problème de l'anormalité: une sorte d'effet loupe sur ce qui nous distingue en oubliant ce qui nous rapproche. :D

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  3. Même remarque que l'anonyme. Ton billet est bon...

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  4. Jolie petit billet en effet,

    je rajouterai si nos enfants sont sensibles à la différence.

    Car mes enfants ne m'ont jamais fait de remarque sur la différence physique des personnes (ai je la chance) vu que je ne stigmatise pas ces personnes (je ne me sens pas à l'aise pour autant vu que je ne sais pas comment me comporter vis à vis d'eux... maladresse culturelle quand tu nous tiens... je choisis toujours mon civisme parlé quite à me faire rabrouer pour "faire du favoritisme par pitié").

    Nos chèrs têtes blondes peut (selon le degré de curiosité naturelle) ou ne peut poser des questions sur cette différence ?!

    L'innocence de mes enfants est si magnifique que je m'en voudrais de leur en enlevé à cause du prisme que m'a doté la société (et même si ce n'est pas un handicap sévère, je pense que l'obésité est tout aussi stigmatisé).

    Pourvu que nos enfants soient meilleurs que nous sur bien des points !!!

    Un wooki qui regarde l'avenir dans les yeux de ces enfants

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  5. Perso, je pense que les Français acceptent très bien cette diversité dans la majorité des cas. Il faut juste que les décideurs en prennent concience...

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  6. Shub,

    Je pense qu'il faut savoir se montrer pédagogue et réagir avec bienveillance à n'importe laquelle des questions que peuvent nous poser nos enfants. L'intolérance commence à mon sens dans une question rendue "tabou" par les parents.
    Personnellement, je crois être de moins et moins mal à l'aise face au handicap. Je crains plus un excès de susceptibilité (compréhensible) chez un handicapé que mon inabilité à les accepter comme n'importe quel autre être humain.

    Nelson,
    Je crois effectivement que la TV ne reflète pas encore les mentalités françaises...mais il faut dire que niveau handicap, la France est en général 10 trains derrière l'Angleterre.
    Question minorités ethniques, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup plus de diversité ici qu'en France où on nous brandit du Harry Roselmack ou du Audrey Pulvar à toutes les sauces, les arbres qui cachent la forêt.

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  7. Je pense effectivement que des enfants élevés dans un foyer où la différence n'est pas montrée du doigt ne remarqueront pas le handicap.

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  8. Ink,

    Disons qu'ils la remarqueront sans pour autant en être gêné ou offusqué. ;)

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  9. J'apprécie ce billet : il m'a rappelé ma dernière classe .
    Si on veut que le regard des adultes changent c'est en effet par l'éducation que cela commence soit à la maison ( mais trop peu abordé) soit à l'école.Faire découvrir aux enfants qu'ils possèdent tous en eux une richesse.

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  10. Billet intéressant, mais votre emploi du terme "diversité" est un peu fourre-tout. Peut-être le concept l'est-il ?

    il y a quelques années, j'avais demandé à un responsable des éditions Bayard Jeunesse pourquoi les héros des Belles histoires de Pomme d'Api étaient majoritairement des garçons. Réponse honnête: parce que les enfants ont besoin de s'identifier au héros, et que la petite fille s'identifiera sans problème au héros garçon, alors que l'inverse, non.
    Quand un handicapé physique est le héros d'un téléfilm ou d'une série, c'est à double tranchant. On montre un handicapé, ils existent, il y en a, ça peut arriver à tous, etc, etc. Par contre, on va en bouffer du handicap. Le héros n'est pas une personne, c'est un handicap qui cause et nous fait la morale. Si, dans un téléfilm, dans une série, il y a un nain, un obèse, un acteur en fauteuil, le thème sera toujours "le regard qu'on porte sur l'autre". Le handicap sera mis en lumière. Je connais un professeur nain, par exemple. Il vaut mieux ne pas lui parler de Mimi Mathy. Dans le meilleur des cas, un ange passe, et dans le pire, il explose. Regardez les scènes de rue, par exemple, cinquante figurants attablés à un café, passant dans la rue, faisant leur marché. Pas une seule énorme bonne femme, pas un seul type en fauteuil roulant, pas d'aveugle qui tâtonne avec sa canne blanche.

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  11. (ma première idée de commentaire, c'était de souligner le parti que pourraient en tirer les parents : tu vois, la fille qui est dans la télé et qui te parle, là. eh bien, elle aussi elle jetait ses chaussons par la fenêtre, comme toi. Regarde comment on l'a punie.)

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  12. Cath37,

    Je suis on ne peut plus d'accord avec vous.

    Suzanne,

    1. C'est bien ce que je reproche à la télévision française beaucoup moins prononcé ici en Angleterre. Les représentants des minorités sont bien moins brandies comme des alibis de la bonne conscience. En France, on fait tout un foin tout en se contentant de présenter un Harry Roselmack et une Audrey Pulvar. Je ne suis pas sûr que pour autant, les dirigeants des grandes chaînes TV ne soient majoritairement plus inscrit dans un schéma de pensée ultraconservateur pour ne pas dire raciste.

    2. Vous êtes cruelle (j'adore!) :D

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  13. Moi itou tout le monde, m'en fout de la main qui manque... Voualà, ça c'est fait!

    Qu'est-ce qui reste?.. Ah oui!.. Souhaiter un président avec un bout de cerveau en plus ?

    ... J'ai bon, là?

    Putt Bill

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  14. ... On vient de me dire (dans mon oreillette) qu'une vraie révolution consiste à confier le JT à un bègue!

    D'une, c'est du mauvais humour, de deux, ça déjà été fait!!!
    Bon d'accord, il fait pas tous les JTs mais à chaque fois qu'on tente de convaincre la france que PS et Modem peuvent coppuler sans risque de voir naitre un bébé ultralibéral, c'est lui qu'on appelle!

    Putt Bill

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  15. Putt Bill,

    J'ai craint que vous n'ayez dit "un président avec un bout de tête en plus". C'eut été méchant, gratuit mais drôle. :D

    Qui sait, cela aurait pu changer sa personnalité du tout au tout !

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  16. Non, a pas bien de se moquer du nanisme physique, au pays du polit(buro)iquement correct. Le nanisme d'esprit, là oui, on peut!!!

    Putt Bill

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  17. Putt Bill,

    Sarkozy n'est pas nain, il est loin c'est tout ! :D

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  18. Loin de tout .... ça c'est vrai ... :p

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