jeudi 18 juin 2009

Venissieux - Kaboul

Vu chez Nicolas, qui l'a lui-même vu chez Romain, qui l'a lui-même vu sur Libération.fr, le député-maire de Venissieux, (banlieue lyonnaise) souhaiterait réunir une commission parlementaire pour réflechir à l'interdiction de la burqa.

Délicate question que voilà.

Spontanément, je m'érigerais moi aussi contre le port de ce que je considère comme un carcan imposé par les hommes. D'ailleurs, c'est bel et bien ce que les défenseurs de la burqa, tenue que nous avons découvertes au travers des talibans d'Afghanistan, avancent: la burqa est destinée à protéger les hommes de leurs pulsions sexuelles.

Ce qu'il y a d'insupportable dans cet argumentaire est cette tendance à la déshumanisation des comportements, agir comme si nous n'étions que des bêtes dépourvues de conscience, incapables de lutter contre nos instincts primaires. Comment ne pas y voir une discrimination du faible contre le fort, qui une fois le pouvoir entre les mains, s'est empressé de déplacer le fardeau de la responsabilité sur autrui.
Le même type d'argumentaire que l'on retrouve dans les prétoires, lors des procès pour viol développés par ceux qui en sont suspectés: "elle m'a provoqué, Monsieur le juge!". Détestable.

Le Coran comporte certains versets fortement contextualisés dont l'interprétation aujourd'hui pourrait heurter frontalement les principes fondamentaux des Droits de l'Homme. Mais la burqa n'en fait pas partie. Il n'est nul besoin d'en rajouter une couche.

Dès lors, s'inscrivant dans la tradition plus générale "un fait divers, une loi", le député PCF André Gérin voudrait réunir une commission d'enquête parlementaire sur le port du vêtement litigieux.

D'emblée, ma réaction serait: "pourquoi pas, si tant est que cela n'aboutisse pas à une loi isolée".
Si la commission arrivait à la conclusion qu'un tel port n'est pas compatible avec les principes fondamentaux de la République, utilisons l'existant et améliorons-le.

Plusieurs pistes: la répression de la discrimination ? Les articles 225-1 et 225-2 du Code Pénal répriment déjà "toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison (...) de leur sexe" mais ne reçoit sanction que lorsque cette distinction résulte sur une décision économique (refus d'embauche, refus de fournir un service ou un bien...). Le port de la burqa n'entrait donc pas dans cette catégorie jusqu'à aujourd'hui. Les tribunaux contraints par une intreprétation de la loi pénale a minima (en ce qui concerne les faits réprimés et non le quantum de la peine) ne peuvent donc sanctionner ce comportement sur cette base, ni sur aucune autre.

L'atteinte aux bonnes moeurs? Celle-ci n'existe plus désormais que dans le cadre du délit d'exhibition sexuelle, article 222-32.

L'apologie du sexisme?

Quelle que soit la piste, une difficulté majeure se pose: qui est la victime, qui est l'auteur?
Admettons qu'une loi interdise le port de la burqa. Que faire si l'on voit une femme circuler en pareille tenue? On l'emmène au poste? On emmene le mari ou le père? La femme est-elle nécessairement innocente et l'homme coupable et vice-versa?

Je souhaite bonne chance à la commission qui se penchera sur cette question car il est tout bonnement illusoire de penser qu'une loi puisse résoudre individuellement un problème social. Alors oui, on pourra bien trouver un moyen de mettre ces tenues hors de notre vue mais en attendant, aura-t-on émancipé ces femmes de cette inacceptable soumission?
Non. Pire que cela, on se sera donné bonne conscience en ayant nettoyé les rues d'une vue qui nous incommode.
Il est en outre fort à parier que nous ne ferons qu'attiser des tensions communautaristes comme il en a été question lors du débat sur le port du voile à l'école. Or, en cette période troublée, on peut se demander s'il ne faudrait pas reporter ce sujet à plus tard.

Si l'on veut s'attaquer au problème de certaines pratiques en France, il est temps de donner une réponse éducative à un problème sociologique.

Remarquez, une fois n'est pas coutume, nos amis bruxellois ont répondu à la question en soumettant le port de costumes et de masques à une autorisation préalable, assimilant la burqa à une tenue de festival.

Je vois déjà d'ici la scène:
"Hep, vous là-bas, que faites-vous dans cette tenue?"
- Decalecatan, decalecatan...ohé ohé...

9 commentaires:

  1. Le fond noir de votre blog le rend TRES pénible à lire.

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  2. La loi de 2004 a permis in fine de calmer le jeu à l'école et de poser des limites.
    Et il est parfois bon de mettre les pieds dans le plat. la politique de l'autruche n'amène à rien.

    Tiens ce sont des malins ces belges.

    Quand aux Talibans et à leurs arguments, cela relève des psys :
    http://polluxe.wordpress.com/2009:06/18/les-psys-au-secours-des-femmes/

    Sinon d'accord avec Suzanne le fond noir est pénible et en plus le copier/coller ne marche pas pour citer des extraits de ton billet...

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  3. @ Suzanne:
    Allez, zou, vendu...je repasse au fond blanc...que ne ferais-je pas pour plaire à mon lectorat. :D

    @ Polluxe:
    Mettre les pieds dans le plat, pourquoi pas si tant est que l'on sait quel est le but à atteindre.
    Et puis ce qui relève de l'autorité scolaire est difficilement transposable dans la sphère publique. Comment sanctionner le port de la burqa? En interdisant de fréquenter la rue? En prononçant une amende à la charge de la femme victime?
    Mais je suis d'accord, la burqa est une infâmie.

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  4. "il est temps de donner une réponse éducative à un problème sociologique."

    Eduquer qui ? Comment ?

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  5. Tiens ! Je suis bourré ou les couleurs de ce blog ont changé depuis hier. Excellente initiative, parce que lire sur fond gris, heu...

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  6. @ Nicolas: Eduquer qui ? Comment ?
    Mais la population musulmane française, pardi!
    Il faut freiner les dérives extrêmistes en favorisant un dialogue Etat/Islam et faire comprendre que le port de la burqa n'est pas compatible avec le principe d'égalité des sexes que la République défend. Pour autant, cela n'en ferait pas de mauvais croyants sauf à toiser la plus grande partie des fidèles de l'Islam dans le monde qui ne connaissent pas ce voile intégral...
    Pour la couleur de fond du blog, je me suis fait engueulé par Suzanne (qui a apparemment eu raison!) et Dieu sait que je suis faible devant les remontrances d'une femme... :D

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  7. Eduquer, ce serait certainement la meilleure chose à faire, et laisser le temps user ces coutumes choquantes. Mais si les femmes en burqa ont librement choisi cette tenue, il est tout aussi choquant de l'interdire.

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  8. @ Le coucou,
    Effectivement, tu touches là certainement le point le plus sensible. Le problème principal réside certainement dans le fait de savoir dans quelle mesure ces femmes ont-elles choisi de porter une telle tenue.
    Nul doute qu'il faudra nécessairement invoquer le déterminisme culturel, religieux et sociologique pour y répondre.

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