
Vu chez
Nicolas, qui l'a lui-même vu chez
Romain, qui l'a lui-même vu sur
Libération.fr, le député-maire de Venissieux, (banlieue lyonnaise) souhaiterait réunir une commission parlementaire pour réflechir à l'interdiction de la burqa.
Délicate question que voilà.
Spontanément, je m'érigerais moi aussi contre le port de ce que je considère comme un carcan imposé par les hommes. D'ailleurs, c'est bel et bien ce que les défenseurs de la burqa, tenue que nous avons découvertes au travers des talibans d'Afghanistan, avancent: la burqa est destinée à protéger les hommes de leurs pulsions sexuelles.
Ce qu'il y a d'insupportable dans cet argumentaire est cette tendance à
la déshumanisation des comportements, agir comme si nous n'étions que des bêtes dépourvues de conscience, incapables de lutter contre nos instincts primaires. Comment ne pas y voir une discrimination du faible contre le fort, qui une fois le pouvoir entre les mains, s'est empressé de déplacer le fardeau de la responsabilité sur autrui.
Le même type d'argumentaire que l'on retrouve dans les prétoires, lors des procès pour viol développés par ceux qui en sont suspectés: "elle m'a provoqué, Monsieur le juge!". Détestable.
Le Coran comporte
certains versets fortement contextualisés dont l'interprétation aujourd'hui pourrait heurter frontalement les principes fondamentaux des Droits de l'Homme.
Mais la burqa n'en fait pas partie. Il n'est nul besoin d'en rajouter une couche.
Dès lors, s'inscrivant dans la tradition plus générale "un fait divers, une loi", le député PCF André Gérin voudrait réunir une commission d'enquête parlementaire sur le port du vêtement litigieux.
D'emblée, ma réaction serait: "pourquoi pas, si tant est que cela n'aboutisse pas à une loi isolée".
Si la commission arrivait à la conclusion qu'un tel port n'est pas compatible avec les principes fondamentaux de la République, utilisons l'existant et améliorons-le.
Plusieurs pistes: la répression de
la discrimination ? Les articles 225-1 et 225-2 du Code Pénal répriment déjà
"toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison (...) de leur sexe" mais ne reçoit sanction que lorsque cette distinction résulte sur une décision économique (refus d'embauche, refus de fournir un service ou un bien...). Le port de la burqa n'entrait donc pas dans cette catégorie jusqu'à aujourd'hui. Les tribunaux contraints par une intreprétation de la loi pénale
a minima (en ce qui concerne les faits réprimés et non le
quantum de la peine) ne peuvent donc sanctionner ce comportement sur cette base, ni sur aucune autre.
L'atteinte aux bonnes moeurs? Celle-ci n'existe plus désormais que dans le cadre du délit d'exhibition sexuelle, article 222-32.
L'apologie du sexisme?Quelle que soit la piste, une difficulté majeure se pose:
qui est la victime, qui est l'auteur? Admettons qu'une loi interdise le port de la burqa. Que faire si l'on voit une femme circuler en pareille tenue?
On l'emmène au poste? On emmene le mari ou le père? La femme est-elle nécessairement innocente et l'homme coupable
et vice-versa?
Je souhaite bonne chance à la commission qui se penchera sur cette question
car il est tout bonnement illusoire de penser qu'
une loi puisse résoudre individuellement un problème social. Alors oui, on pourra bien trouver un moyen de mettre ces tenues hors de notre vue mais en attendant, aura-t-on émancipé ces femmes de cette inacceptable soumission?
Non. Pire que cela, on se sera donné bonne conscience en ayant nettoyé les rues d'une vue qui nous incommode.
Il est en outre fort à parier que nous ne ferons qu'attiser des tensions communautaristes comme il en a été question lors du débat sur le port du voile à l'école. Or, en cette période troublée, on peut se demander s'il ne faudrait pas reporter ce sujet à plus tard.
Si l'on veut s'attaquer au problème de certaines pratiques en France, il est temps de donner une réponse éducative à un problème sociologique.
Remarquez, une fois n'est pas coutume, nos amis bruxellois ont répondu à la question en soumettant
le port de costumes et de masques à une autorisation préalable, assimilant la burqa à une tenue de festival.
Je vois déjà d'ici la scène:
"Hep, vous là-bas, que faites-vous dans cette tenue?"
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Decalecatan, decalecatan...ohé ohé...