mercredi 16 juillet 2008

Faites-moi part de vos idées, je transmettrai...


Dans un entretien accordé au Monde.fr, le Président de la République défend son projet de réforme des institutions, soulignant son souhait profond d'accorder plus d'espace, plus de pouvoirs à "l'opposition".

Dans le flot de mesures en stock, il serait envisagé de garantir et contrôler un temps de parole dans l'audiovisuel au profit de cette "opposition".
Oui, vous avez bien lu "audiovisuel" et non parlementaire.

Vous noterez que le discours de Nicolas Sarkozy se teint de l'habituelle bienveillance, histoire de mieux faire glisser le mélange des genres.

Aussi, sur le fond, une question demeure-t-elle:

Qu'est-ce que "l'opposition"?

Pourquoi diable répondre à une question qui n'a pas été posée ?
Après tout, la presse traditionnelle se complait depuis quelques temps dans la manichéisme !
A tel point, que dans l'inconscient collectif, chacun sait qu'il est fait référence implicite au Parti Socialiste.

C'est ce que j'appelle du prêt-à-penser. Ce postulat n'est que trop rarement remis en question par les journalistes.

Il n'y a là rien de bien scandaleux, me direz-vous, c'est la seule véritable force politique nationale alternative, si l'on en croit leur nombre de députés élus.

Vigilance ! vous rétorquerais-je. L'opposition parlementaire n'est pas l'opposition "idéologique".

Réfléchissons à la définition de ce terme et aux conséquences liées à son institutionnalisation, voulez-vous?

Selon la croyance populaire, l'opposition désignerait le second parti politique du pays par le nombre de représentants à l'Assemblée Nationale.

Aussi, rapportée à l'espace médiatique, cette définition apporte-t-elle plusieurs commentaires:
1. Quid de la visibilité des partis représentés localement (conseils généraux, régionaux, collectivités locales, communes...) ?
2. Quid de la quasi impossibilité pour des partis émergents d'être visible médiatiquement en pareil cas?

Le mélange des genres n'a pas très bonne saveur.
Au Parlement, la légitimité de ceux qui ont droit à la parole s'acquièrent par le vote.
Dans le PAF, cette légitimité s'obtient par la potentielle représentativité - ce qui par ailleurs a donné lieu à la pratique surabondante des sondages.

Or, n'est-il pas légitime de craindre que de consacrer institutionnellement nos deux monolithes politiques comme "majorité" et "opposition" par-delà le cadre parlementaire enfermerait notre République dans un fonctionnement en vase clos, donnant lieu à une surmédiatisation de leurs déclarations et pendant, à une sous-médiatisation d'autres mouvements.

En conséquence, le PS et l'UMP finiraient par contrôler l'offre idéologique*, puisque devenus les prismes de l'expression de toutes nouvelles idées. Ainsi, pouvons-nous craindre un tel glissement dans la mesure où :

1. Depuis 50 ans, la classe politique française n'a pas brillé par sa discipline, sa rigueur intellectuelle et son envie de se renouveler.
Lorsqu'une idée ou un personnage échoue, les voilà resservis 5 ans plus tard affectés de deux ou trois modifications cosmétiques destinées à donner l'apparence du neuf.

2. Quel espace pour les mouvements institutionnellement considérés comme "minoritaires" bien que légitimes (forte représentation locale, important nombre de militants et d'adhérents,...) étouffés par cette surmédiatisation?

3. En période électorale, le jeu démocratique n'en sera-t-il pas faussé?

Est-ce là l'idée de la démocratie? Voulons-nous réellement d'une France bipartiste à l'instar du modèle outre-atlantique?

D'aucuns pourraient voir en cette manœuvre la tentative dissimulée de mettre aux oubliettes la promesse d'injecter une dose de proportionnelle aux différentes élections, seule garante d'une offre politique véritablement représentative et démocratique.

Que voulez-vous, la classe politique est taxée de copinage de toutes parts:
ENA, Inspection des Finances, cercles de pouvoir telle le Siècle..., autant de vecteurs favorisant la formation d'un aréopage des temps modernes.

Ces écoles du pouvoir permettaient jusqu'à présent d'uniformiser d'une certaine façon le personnel politique.

Et bien, vous serez fort aise d'apprécier la mainmise de ce personnel sur l'offre idéologique publique.

Internet sera-t-il le dernier rempart des nouvelles idées politiques?

Favoriser la démocratie, avez-vous dit?

*Partant de l'hypothèse qu'une offre idéologique n'existe que lorsqu'elle est captée par une audience

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