jeudi 17 décembre 2009

Acheter un bien immobilier en Angleterre

Chers lecteurs, je vous prie d'excuser ma désertion récente. Mea maxima culpa, je n'ai pu étancher votre soif de billets aussi inintéressants qu'approximatifs et tente dès à présent de corriger le tir.

Ce qui explique mon éloignement temporaire outre l'accumulation de tâches professionnelles de dernière minute - on sent la fin d'année poindre son nez - n'est ni plus ni moins que l'adjonction d'événements tout à fait appréciables bien que chronophages dans la vie personnelle de votre serviteur.

Après environ deux ans d'absence, je vous annonce que je rejoins à nouveau le club très sélect des propriétaires immobiliers (abonnement sponsorisé par un établissement bancaire fort aimable).
Hier, j'ai récupéré les clés de ce qui sera pour les quelques temps à venir, le toit sur la tête de ma petite famille.

L'occasion m'est donnée de vous révéler en exclusivité les coulisses d'une acquisition immobilière sur le territoire de Sa Majesté.

Cela fait du bien de ne plus être locataire !

Si cette affirmation peut sembler évidente en France dans la mesure où l'on met un terme à cette sensation de perdre son argent et de financer à perte votre propriétaire, la situation est d'autant plus appréciable en Angleterre où il est bien difficile de se sentir chez soi lorsque l'on est simple "tenant".
La loi anglaise est terriblement protectrice des propriétaires - oubliant au passage qui est la partie faible au contrat - s'il existe bel et bien des baux d'habitation à durée indéterminée sur le modèle français, il s'agit d'une exception !
En pratique, les propriétaires sont en mesure d'imposer (et ne se gênent pas pour le faire) des contrats à durée déterminée renouvelables par acceptation expresse des deux parties - ce qui revient à dire, par acceptation du propriétaire. Tous les 6 ou 12 mois, vous devez repasser par la procédure de renouvellement et au passage, verser une petite cotisation à votre agence de location adorée...
Je n'entre pas dans le détail des différentes situations (Assured Shorthold Tenancies, Fixed Term...) mais l'idée est là.

...vraiment du bien !

En outre, l'agence de location (ou le propriétaire le cas échéant) n'oublie pas de vous payer une petite visite tous les trois mois environ pour vérifier que tout va bien dans la maison du propriétaire...l'agence ne manque pas de vous rappeler que le bien ne vous appartient pas au passage.
Vous ne pouvez évidemment refuser sinon repousser l'échéance.
Cette intrusion dans votre vie privée est difficile à supporter...

La fin du bail

Comme vous êtes dans le cadre d'un contrat à durée fixe, vous ne pouvez pas le résilier par anticipation sans l'accord du propriétaire !
Pas de préavis, pas de causes justificatrices...non, vous êtes tenus de payer le loyer jusqu'à son terme. Le propriétaire n'est pas tenu de rechercher un remplaçant...

Imaginez lorsque vous êtes comme dans mon cas et que vous trouvez la perle rare à acheter en Octobre et que votre bail court jusqu'en Avril de l'année suivante...

Vous avez trouvé la perle rare, quelle est l'étape suivante?

Vous avez certainement trouvé votre bien par une agence immobilière car les transactions passent incontournablement par eux en Angleterre: pas de Particulier à Particulier !
Rassurez-vous cependant: contrairement à la situation en France, ce sont effectivement les vendeurs qui rémunèrent l'intermédiaire !

Les agences sont de toute façon, en règle général très professionnelles.
Etape suivante donc: il vous faut trouver un avocat ! (Solicitor)
S'il existe bien des notaires anglais (Notaries), c'est l'avocat qui se charge de veiller au bon déroulement juridique des opérations...on peut comprendre dès lors que la profession en France soit incitée à chercher à casser le monopole notariale en la matière.

Autre élément incontournable sauf si vous ne faites pas appel à un crédit immobilier (veinard!), il vous faut trouver un conseiller financier !
Que vous trouviez votre crédit (mortgage) sur Internet, que vous vous adressiez directement à votre banque ou que vous passiez par ce conseiller, vous rémunérerez nécessairement un intermédiaire ou des frais de traitement équivalent.
Le conseiller financier va prospecter le marché et être votre interlocuteur principal ! Vous n'aurez quasiment aucun contact avec la banque qui vous fournira le prêt !

Je ne suis pas Crésus, il me faut un crédit !

Oubliez immédiatement les crédits à taux fixe sur 25/30 ans. En pratique, les anglais renégocient leur prêt très fréquemment, de 2 ans à 5 ans.
Plus la durée du crédit à taux fixe est longue, plus le taux initial sera élevé.
La réalité en fait est de ne négocier un crédit que pour les 4 à 5 ans à venir.
L'offre est large, la concurrence très importante mais les taux ne sont pas non plus ridicules.
En ce moment, les taux oscillent entre 4 à 6% sur 5 ans.

Et après?

Après votre remboursement revient sur le taux variable standard de l'établissement prêteur.
Si les taux s'envolent, vous pouvez vous retrouver dans une véritable difficulté de remboursement. Et là, comme la crise récente l'a illustré, la boucle défaut de paiement, expropriation peut s'engager.
La compensation? Les banques anglaises sont tout de même nettement moins rigides qu'en France. Dans l'esprit, il revient tout de même à l'emprunter d'évaluer lui-même ses capacités de remboursement.
La banque peut bien sûr refuser de vous rembourser si le risque est trop important mais la flexibilité est tout de même beaucoup plus grande. En France, c'est 33% d'endettement...point final...et ce, que vous gagniez le SMIC ou 100.000 EUR par an.

J'ai mon crédit, j'ai mon avocat, on y va?

Il n'y a étrangement pas de compromis de vente ni de procédure équivalente en pratique permettant de "sécuriser" l'achat. Tant que vous n'avez pas signé le contrat définitif, le vendeur est libre de vendre à autrui en théorie. En réalité, cela ne se fera pas parce que les agences mettent leur réputation en jeu et qu'il n'est pas réellement permis de faire jouer la surenchère. Les prix ne sont pas tout à fait libres.

Ce qui est fondamentalement étrange, c'est que la procédure est totalement écrite, llutôt légère pour l'acquéreur et les échanges ont essentiellement lieu par téléphone et par correspondance . Je n'ai personnellement rencontré ni mon conseiller financier, ni mon avocat.
Depuis la visite de la propriété, la seule fois où j'ai revu l'agent immobilier a été au moment de la remise des clés...
Il n'y a pas de signature d'acte définitif, ici on "échange les contrats" (we exchange contracts) date qui concorde généralement au moment d'achat effectif (date of completion), jour où la chaîne des déménagements a lieu.
Cela ne signifie que la procédure est légère stricto sensu, cela signifie simplement que ceux qui travaillent le plus sont vos mandataires. Rien que le fait de s'accorder sur une date relève d'un casse-tête incroyable en ce qu'il faut faire en sorte d'accommoder l'ensemble des acteurs de la chaîne de déménagement.

Vous emménagez !

Inutile de trop vous tracasser sur les contrats électricité, gaz ou eau, généralement, ceux de l'ancien propriétaire vous suivent automatiquement mais rien ne vous oblige à les garder !
Il reste à vous trouver des âmes charitables pour vous aider dans le déménagement.

Des volontaires pour m'aider?
A vot' bon coeur, m'sieur 'dame ! J'emménage à 500m de chez moi ! :D

PS: En photo, Blenheim Palace, superbe château de la famille Churchill, à une quinzaine de minutes de chez moi.

5 commentaires:

  1. Passionnant cet aperçu de la vie britannique. Il y a une chose qui m'intrigue depuis longtemps: la propriété privée individuelle existe donc formellement? Je ne sais pas pourquoi, j'imaginais que la reine et, ou, les aristocrates étaient propriétaires de tout, du moins théoriquement…

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  2. Merci le Coucou,
    J'avais hésité à compléter mon billet de cette distinction importante.
    Je le fais donc en commentaires. Il y a effectivement une rumeur qui circule selon laquelle la Couronne serait la seule véritable propriétaire des biens immobiliers.
    La réalité est qu'il existe deux types d'acquisitions que sont le freehold et le leasehold. Le premier est une pleine propriété le second est en fait une sorte d'acquisition de l'usufruit sur une période déterminée à l'issue de laquelle l'usufruit revient au nu propriétaire.
    Il reste qu'en règle générale, la propriété est le plus souvent en freehold, donc pas d'inquiétudes à cet égard.

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  3. Quelques remarques ayant été ou étant dans l'ensemble des situations évoquées.

    Lorsque le locataire prolonge ton bail (renouvelle) c'est lui qui doit payer l'agence (habituellement la moitié de ce qu'il a payé en com la première fois). S'il te fait payer quoi que ce soit... et bien il/l'agence est un peu escroc sur les bords, c'est pas bon signe.

    Généralement il peut augmenter (ou baisser mais ca j'ai jamais vu) le loyer. A la rigueur quelques %, soit £5-10/semaine ca peut s'expliquer, plus c'est louche, vaut mieux partir (mais souvent le proprio a plutôt intérêt a garder le tenant, car il évite de repayer les frais d'agence plein pot pour un nouveau locataire - sauf le cas de l'escroc évoqué plus haut).

    Il est possible de mettre une breaking clause au contrat (genre 1 an avec breaking clause 6 mois), ce qui veut dire qu'apres la breaking clause le préavis n'est que de 1 mois. Mais bon, si le proprio/l'agence est escroc, ils se seront bien gardés de vous le dire et après signature, c'est trop tard.

    Dans le cas d'un achat, solicitor se traduit plutôt par Notaire (il y a le mot laywer pour avocat ou...advocate). Les notaries s'occupent plutôt des certifications de sociétés, et des papiers officiels/gouvernementaux.

    Il n'y a pas d'intermédiaire si vous passez directement par votre banque (main street) (sauf des frais de dossier évidemment, bas**rds). Mais il est en effet conseillé de passer par un broker qui vous trouvera les meilleures options (il y en a plusieurs, fonction de la durée, de la flexibilité, du capital...etc).

    Actuellement - depuis la crise financière, les taux sont ridiculement élevés (les banques anglaises essayent de se refaire sur le dos du particulier!) A titre d'exemple, disons qu'il y a 3 ans on trouvait du Taux de la banque d'Angleterre +0.28%, soit actuellement .78% (je dis ca pour faire enrager Nemo)

    Lorsque la période préférentielle est terminée, deux solutions: soit renégocier auprès de la même banque (pas les meilleurs offres du marché mais pas si mal) pour une nouvelle période, soit faire appel a un broker pour retrouver un super taux.

    Au niveau de l'endettement, je suis d'accord, on n'est pas du tout au niveau de la connerie des banques françaises avec un taux fixe d'endettement (surtout que c'est un taux de 33% au temps t, la situation peut changer 6 mois plus tard si on est au chômage...). En gros, il est facile de trouver a emprunter 3.5 fois son salaire annuel brut. Mais on peut monter a 6 fois si par exemple on met 40% de déposit sur la table par exemple.

    En ce qui concerne rencontrer son solicitor... ben tu aurais du me demander. Avec le mien, il te convoque 1h avant de clore le dossier pour bien t'expliquer tout ce qu'il a fait et le procédure. Un vrai show. Rien que pour ça je le conseille, tu en as pour ton argent ;-)

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  4. Pour terminer (j'ai pas pu tout poster dans la case précédente), en ce qui concerne le freehold/leasehold.
    Dans le cas d'un lease, vous devez payer un loyer pour le terrain chaque année (le proprio peut être le duc de machin... mais maintenant aussi assez fréquemment des sociétés). C'est quelque chose de très fréquent en ville, notamment dans le centre de Londres. Le loyer est souvent un "peppercorn", en gros trois fois rien, genre £100/an. Il peut être de 99 ans, 85 ans, 999 ans (oui, maintenant ca existe). Le leaseholder peut le renouveler, du montant restant a courir (passer de 85 ans a 170 ans par exemple), pour un prix de £5-10k pour la plupart des cas (a déterminer avec une formule mathématique, le doigt humide pointé dans l'air et les conditions du marché).
    Que ce passe-t'il si on ne renouvelle pas... a 0 ans? Et bien en principe la maison revient au freeholder.
    Depuis 2001 (plus trop sur de la date exacte) il est possible de forcer le freeholder a vendre son droit (avant on ne pouvait que lui demander poliment). Meme principe et même coût que le renouvellement (ce qui fait que de plus en plus de propriétés passent en freehold). Attention aux 80 ans! si vous tomber en dessous de 80 ans de lease, il faudra payer, en plus, ce qu'on appelle la "mariage value", pour tout achat ou renouvellement. En gros cela revient a doubler le cout.

    Voila!

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