J'ai (parfois) des discussions intéressantes avec mes amis de la vie-réelle-qu'elle-est-vraie, même avec mes trolls à moi.
Le billet du Privilégié a par ailleurs rappelé à mon bon souvenir une conversation récente de ce type, agrémentée de maki-sushis, ce qui n'ôte rien à la qualité du débat, bien au contraire.
Entre deux bouchées parfumées de wasabi, gingembre, sauce soja, nos élucubrations digressèrent sur la question de l'Education avec un grand "e", afin de désigner celle que nos enseignants professionnels tentent tant bien que mal d'inculquer à nos têtes blondes.
Deux camps s'affrontaient: le défenseur d'une notation des enseignants par les élèves contre le détracteur incarné par votre serviteur.
En effet, je suis opposé à une notation des enseignants par leurs élèves car d'une part, je ne vois pas l'intérêt d'une telle démarche, et d'autre part, j'en perçois les risques.
1. La vacuité d'une telle démarche
La notation est nécessairement subjective malgré l'apparente objectivité des critères d'appréciation.
Intéressant/MotivantNe cherchez pas, il n'existe aucune garantie de notation réellement objective venant de l'élève. En outre, contrairement à ce que nos pédagogistes préférés martèlent depuis 30 ans, l'enseignement est une relation dont la dimension verticale est primordiale. L'élève doit acquérir un socle de connaissances, ce qui s'oppose il est vrai à cette espèce de développement par la découverte personnelle que ceux-là ont érigé en principe fondamental.
Question d'affinités personnelles. Certains élèves nourrissent un intérêt naturel pour des matières que d'autres rejettent profondément...et la qualité de l'enseignant ne changera pas grand chose à l'affaire.
Clair/Pédagogue
Idem.
Connaisseur/Compétent
Comment un élève peut-il juger l'étendue des connaissances techniques d'un enseignant lorsque lui-même est en position d'enseigné?
Juste/Equitable
Je suis sûr que chaque élève a sa vision de ce qui est juste ou équitable...
Régulier
???
Disponible
Attention, nous sommes encore sous l'égide du Collège Unique...
Difficulté/Niveau
Aléatoire en fonction des affinités de chaque élève...
Ambiance
Je suis sûr que l'ambiance dans une classe du Lycée Henri IV de Paris est plus studieuse que celle du Lycée Voillaume d'Aulnay sous Bois.
Commentaire
Histoire de se lâcher un peu...
Cela n'interdit pas le développement personnel mais être passé de l'extrême du pensionnat de Chassagnes à l'excès de l'école de "l'enfant-roi" est une ineptie. Un juste équilibre doit pouvoir être atteint.
La seule notation objective qui me paraisse d'intérêt est le taux de succès aux examens finaux (qui devraient avoir lieu à chaque niveau) pondéré, il est vrai, par le lieu d'enseignement et la typologie des élèves.
2. La démagogie, source de fragilisation
En tout état de cause, l'existence même de ces sites est à même de décrédibiliser l'action d'un enseignant et favorisera l'émergence d'enseignants "démagogues" qui tenteront de faire plaisir à l'élève plus que de lui enseigner. Enfin, un élève en situation d'échec se cachera spontanément derrière la faillite de l'enseignant, stigmatisé par une mauvaise note globale, et fera écran aux raisons profondes et réelles de cet insuccès.
Les enseignants souffrent déjà d'un discrédit fort, cette initiative est dès lors plutôt malvenue.
Je ne milite pourtant pas pour l'absence de contrôle de qualité de l'enseignement, loin s'en faut. Il ne revient simplement pas à l'élève de s'en faire le juge et certainement pas de manière aussi populiste.
L'urgence est plutôt à la réflexion quant au niveau de connaissance exigé, au problème du redoublement et la question du Collège Unique, à l'orientation, la discipline, le respect par les élèves et par les parents d'élèves, la sanction, etc...
Tu as tout bien résumé.
RépondreSupprimerAprès, comme je le disais à un commentateur chez moi, personnellement, je m'en fiche un peu, parce que je me sens sûr de moi. Mais je suis sûr que certains collègues seront très atteints par ces critiques venant d'élèves un peu bêtas... A surveiller en tout cas.
Mathieu,
RépondreSupprimerJe suis sûr qu'à ton niveau personnel tu serais à même de gérer...mais à l'échelle collective, j'ai bien peur que la crédibilité même de l'enseignement s'en trouverait affectée.
Personnellement, je ne trouve pas l'idée d'évaluation par l'élève si scandaleuse, bien que sa mise en place nécessite de la prudence.
RépondreSupprimerLa démarche d'amélioration continue dans laquelle je crois nécessite que l'on se remet en cause de façon permanente.
Autre chose est de penser que ces analyses constiuent plus qu'un élément de réflexion parmi d'autres.
Je te fais un exemple : tu évoques la compétence. Bien sur, un élève, par définition, ne peut pas évaluer le niveau de connaissance de son prof. Cependant il a un ressenti (bon/mauvais) quant à ce sujet. S'interroger sur les raisons d'un éventuel sentiment d'incompétence peux permettre de mettre en place des correctifs.
C'est d'ailleurs une pratique courante en formation continue, je ne vois pas où résiderait la différence avec une formation initiale si ce n'est dans la méthode d'interprétation des informations collectées
Claudio,
RépondreSupprimerTu conviens toi-même qu'il est affaire de ressenti donc de subjectivité comme je l'indique dans billet.
Je ne suis pas contre le fait de prendre en compte ce ressenti, pas du tout mais la démarche d'évaluation ne saurait provenir des élèves.
Les parents, les citoyens en général, l'institution elle-même, une autre institution, voilà ceux qui conjointement peuvent s'inspirer du ressenti conjugué à l'appréciation des critères objectifs (le taux de réussite notamment) afin d'en tirer les conclusions qui s'imposent.
Mais là encore, la notation du style "Note ton prof" ne s'inscrit pas dans cette démarche mais bel et bien dans un renversement des valeurs.
Le problème est que les parents ne sont pas en classe ...
RépondreSupprimerJe vais simplifier à l'extrême mais je sais que tu ne comprendras pas de travers : c'est de l'enquête de satisfaction client.
Après, si on dit que l'enquête c'est la seule chose qui compte, alors oui, on est dans le renversement des valeurs.
postscriptum : par ailleurs, les enseignants peu ... performants ... ça existe, bien que pas aussi nombreux que dans les contes de la vulgate ...
Claudio,
RépondreSupprimerA partir du moment où tous les élèves d'un même enseignant excellent à l'examen final, n'est-ce pas suffisant comme critère d'appréciation objective?
Au passage, je n'ai jamais dit qu'il revenait aux seuls parents de juger un enseignant.
@ Nemo : je ne sais pas. Il est évident que la notation par les élèves serait tout sauf objective. Les collègues doivent être capables de faire la part des choses. Je l'espère en tout cas...
RépondreSupprimer@ Nemo
RépondreSupprimerà mon avis, non. Plusieurs raisons :
dans un examen, il y a des aléas importants (ex sujets)
l'élève peut avoir bien travaillé sur les texte en dépit de son prof moyen
des élèves peuvent avoir choisi de mal travailler marlgré les efforts de leur prof
les politique de notes (les nier serait se voiler la face)
je pourrais rallonger la liste.
C'est vrai que, en général, je ne suis pas un fan des examens et j'estime qu'on devrait même les remplacer par autre chose, mais là je suis vraiment en décalage par rapport à la vision française des choses
Claudio,
RépondreSupprimerJe ne suis pas du tout d'accord. Un élève peut réussir malgré un mauvais prof, pas tout un ensemble.
Quant au choix potentiel de classes entières ayant choisi de "ne pas travailler"...
Un examen, un test, (pourvu que la notation soit effectuée à l'aveugle par d'autres enseignants) est encore le meilleur moyen d'évaluer le niveau de connaissance de manière impartiale, neutre et totalement objective...
En tant qu'enseignant, je suis favorable à une forme d'évaluation par les élèves eux-mêmes, mais à condition qu'elle soit faite dans le cadre de l'école (et pas sur un site web extérieur), et qu'elle donne lieu à un encadrement, visant à ce que la notation se fasse en responsabilité et donne lieu à une réflexion des élèves/étudiants. Cela se pratique d'ailleurs déjà dans le supérieur, à partir du master voire de la licence, dans de nombreuses filières. Bien sûr qu'une telle notation est subjective, mais un cours est une interaction et une situation de communication, et je ne vois donc pas pourquoi le ressenti des principaux intéressés ne serait pas pris en compte !
RépondreSupprimerRomain P,
RépondreSupprimerRelisez mes commentaires plus haut. Je suis d'accord pour une évaluation dans laquelle serait pris en compte notamment parmi d'autres critères l'opinion des élèves. Mais l'évaluation ne doit pas être faite par les élèves.
Je ne suis pas favorable à une notation des profs par les élèves pour les raisons exposées dans ce billet. Quant à se baser sur le taux de réussite à un examen, je pense que ce n'est pas un critère valable pour évaluer la compétence de l'enseignant. Tout dépend des classes qu'on lui donne...
RépondreSupprimerPar contre, dans le supérieur, demander l'avis des étudiants au travers de questionnaires détaillés sur le contenu du cours (pas question de notation), je pense que cela peut être intéressant.
Longue discussion .... long repas :D
RépondreSupprimerBah je me suis pas forcement bien exprimé entre deux sushis, mais je suis plus de l'avis de Romain P, en aucun cas la notation des élève ne doit être le seul critère, mais j'insistai pour que la voie des élèves ne soit plus dénigrée comme actuellement, et qu'il serait intéressant de voir quels sont les corrélations appréciation des élèves / résultats aux examens.
Et pour moi cela doit s'accompagner d'un réel contrôle de la part des académies (et pas une fois tout les siècles).
Pour ma part, je suis intimement convaincu qu'un prof ne peut pas être un bon prof s'il ne sait pas se faire apprécier de sa classe afin de la rendre plus réceptive au cours (ce qui ne signifie bien sur pas de se laisser marcher sur les pieds).
La notation des professeurs par les élèves est un contresens car il n'y a pas de possibilité de la faire sur de critères d'évaluation précis dénués de la dimension affective (ou non !)
RépondreSupprimerJe lis attentivement l'ensemble de commentaires et viens mettre mon opinion en faveur de sites tels notetonprof. Bien entendu il y a des précautions d'emploi. Mais, l'expérience dans de nombreux autres pays montre qu'il est possible, voire utile, d'en avoir et que, pour la plupart, même dans l'anonymat, l'étudiant donne un feedback généralement honnête. Cette notation est forcement subjective -- mais dans la masse, ces notations ont tendance à porter leur vérité et, à force de corréler la performance sur ces notes et les performances des élèves (cause et conséquence reliés), ces systèmes gagnent en intérêt.
RépondreSupprimerJe trouve le commentaire de @Romain P très pertinent -- mais je ne vois pas l'administration des écoles s'en charger.
Comme l'a dit @Claudio, c'est un peu comme une étude de satisfaction. Si un étudiant est satisfait, ce ne serait pas trop difficile d'imaginer qu'il soit aussi motivé d'apprendre... En tant qu'animateur de formation, j'exige le remplissage de formulaire de satisfaction à la fin de chaque intervention. Ça me motive personnellement et ça me rappelle à tout moment pourquoi je suis là.
Que le site existe à l'extérieur ou pas, le tout est d'arriver à ce que cette notation soit intégrée dans le fonctionnement de l'école. C'est à dire, que les professeurs soient au courant des critères et que leur évaluation en fin d'année par le chef (principal) en tienne compte.
J'ai passé 3 ans en école de commerce dans le rôle d'un délégué de classe. A cette époque, mon ESC briguait des accréditations. Un des critères d'obtention de celles-ci était que les cours devaient être notés par les étudiants.
RépondreSupprimerLe supérieur privé connaît donc la notation de la classe et du professeur. Pour rappel, je parle d'étudiants dont la moyenne d'âge est supérieure à 20 ans. Pourtant, lorsqu'il m'arrivait de jeter des coups d'œil à la partie commentaire, je lisais parfois des choses déplorables, sans parler de l'idée tellement aisée de "il m'a saqué, je vais le saquer".
Quand on est adolescent rebelle (chacun à des degrés différents certes et manifesté de façon singulière par chacun) sommes-nous réellement capable de faire une évaluation objective et construite de notre cours et du "dynamisme" de nos enseignants?
J'ai le souvenir d'un professeur qui nous faisait remplir une fiche où elle demandait qu'elles étaient nos besoins (évaluation du contenu) et qu'est ce qu'on attendait d'elle (évaluation de son travail certes biaisée parce que même si nos réponses étaient anonymes, nos écritures étaient souvent identifiables). Peut-être est-ce un compromis possible?
Je reste persuadée, toutefois, que ce doit être une démarche propre à l'enseignant et qui ne doit surtout pas être faite dans une classe où celui-ci aurait des problèmes d'autorité.
Dans l'absolu, je doute que l'évaluation du professeur par les élèves soient une bonne idée. Le glissement se ferait trop rapidement vers des élèves "consommateurs" de l'enseignement avec la possibilité de remplir des fiches d'évaluation comme on remplit des fiches de réclamation, ce serait prendre le risque de transformer l'enseignement en un bien de consommation.
Ink,
RépondreSupprimerC'est bien pour cela que je parle d'une nécessaire pondération en fonction du lieu et de la typologie des élèves.
Ma Banane,
Je doute qu'il soit facile de se faire simplement respecter (je ne parle pas d'apprécier) dans les lycées de ZEP...
Dominique,
Tout à fait d'accord.
Minter,
Je suis d'accord avec Sabavardetrop, un élève qui note son enseignant se place dans une dimension consommatrice de l'enseignement. Il n'est pas interdit de prendre en compte le ressenti des élèves dans une panoplie de critères afin d'évaluer des profs mais dans ce cas, on ne devrait pas parler de notation qui renvoit nécessairement à une objectivité absente en l'espèce.
@ Nemo
RépondreSupprimerJe pense que l'avis de l'élève a de l'importance mais que sa place n'est pas de juger le travail (contenu, forme, dynamisme etc.) de l'enseignant.
L'inspecteur, quand il vient évaluer l'enseignant, fait ce travail de demander au hasard de la classe des ressentis sur le cours et la manière dont l'enseignement est dispensé. Pourquoi porter alors plus de pouvoirs aux élèves alors que nous avons consciences qu'ils ne peuvent être objectifs dans leur vision de l'enseignement?
Je suis professeur et ce genre site n'est que le reflet de ce que nous vivons actuellement en classe. L'élève est devenu roi. mais en plus, il est écouté par ses parents, défendu par les Principaux/Proviseurs et suivi par les inspecteurs.
RépondreSupprimerl'année dernière, j'ai vécu la "mise à mort" d'un de mes collègues par ce trio infernal (élève/parents/supérieurs) à la veille de sa retraite. Aujourd'hui ces élèves, à cinq mois du baccalauréat, regrettent de ne plus l'avoir et ont avoué avoir fait cela car il les faisait trop travailler (l'ordure !).
Le coupable sera TOUJOURS le professeur aux yeux de tous. Je ne nie pas que parfois ce soit vrai.
A ce jour j'ai la "chance" d'être respecté par mes élèves, je prends encore plaisir à enseigner. Mais je pense fortement à ma reconversion avant d'avoir à vivre la même situation que mon collègue.
Concernant le fonctionnement du site, il est si peu sécurisé que ce serait à mourir de rire si tout le monde s'en rendait compte... ce qui est loin d'être le cas.
WP,
RépondreSupprimerMerci pour votre éclairage intéressant. Au passage, soyez assuré de mon soutien. Je sais que la tâche est ardue et si vous êtes de la trempe de ces profs qui respectent leur métier et leurs élèves, j'applaudis volontiers.