Je crois que je vais finir par m'adresser au chef de file de la réacosphère et postuler pour une place de choix tant l'actualité me donne l'envie de réagir en contrepoids de ce que d'aucun qualifient de "progrès de société". Je ne pense pas nécessairement aux affreux gauchisses mais aux tenants de la bienpensance aux vagues relents soixante-huitards qu'ils soient de gauche ou de droite et dont le credo est de militer pour une société toujours plus individualiste, où le plaisir transcenderait toute autre forme de valeur.
Chacun aurait le droit de rechercher le plaisir et il n'y a que peu de raisons contre lesquelles il serait désormais admis que l'on s'opposât à cette quête. Certains démontrent une agressivité certaine à l'idée même que l'on puisse interférer tant l'idée même réveille quelques réminiscences anticléricales.
Mais la promotion du plaisir personnel n'est-elle pas un frein à la constitution du bonheur collectif? Sortez une feuille blanche, vous avez trois heures...
S'il est vrai qu'il s'agit là d'un des messages fondamentaux du Vatican, les plus anticléricaux apprécieront l'ironie: la Révolution Française portée par le libéralisme, que l'on ne peut guère suspecter d'être un parangon de chrétienté, a promu notamment la recherche du Bonheur en valeur fondamentale.
C'est ici que deux écoles philosophiques divergent quant à ce qu'est le Bonheur et la façon de l'atteindre. On pensera spontanément aux épicuriens, aux stoïciens et aux utilitaristes qui ont abondamment débattu sur la notion même de plaisir.
"L’idéal utilitariste, c’est le bonheur général et non le bonheur personnel."
Par "bonheur" on entend le plaisir et l’absence de douleur ; par "malheur" la douleur et la privation de plaisir.Le Plaisir ici défini s'oppose au plaisir physique par nature, le plaisir que j'évoque dans ce billet, ce qui a par ailleurs existé de tous temps au travers de la notion de "passion". La connotation positive dont on affuble ce terme aujourd'hui n'est pas anodine. Passion vient étymologiquement du latin patio et du grec pathos qui signifie "je souffre" et "souffrance". On ne pouvait alors dissocier la passion, c'est à dire la satisfaction d'un plaisir de son corrollaire, la souffrance engendrée par cette quête infinie.
Car le plaisir (avec un p minuscule) est un instantané. Il s'oppose au Plaisir (P majuscule) en ce qu'il ne permet pas l'absence de douleur. Trivialement, étouffez la source du plaisir, et vous provoquerez la douleur du sujet. Or, naturellement, la source du plaisir nous est extérieure. Reprenons les sept péchés capitaux: l'acédie (ou la paresse spirituelle), l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère et l'envie.
A chacun de ces péchés correspond un plaisir, le repos, la satisfaction, la gourmandise, la sexualité et le luxe, les deux derniers n'étant que les conséquences d'un plaisir non satisfait.
La sexualité figure donc bel et bien dans cette liste. La quête du plaisir immédiat, la satisfaction d'une pulsion sexuelle ne s'accommode pas de la recherche du Bonheur.
Cela me rappelle une conversation que j'avais eu au restaurant avec un très bon ami qui idéologiquement est à l'exact opposé de mon approche du plaisir et de la sexualité en général. Je lui disais qu'il ne fallait pas nécessairement mener une vie d'ascèse pour parvenir au Bonheur. Au contraire, je pense que l'on savoure d'autant plus les plaisirs sur ce chemin si tant est que l'on n'en fait pas une finalité.
Ainsi je suis profondément gêné par cette société du tout-économique et de la déformation du libéralisme qui n'en a gardé que l'approche individualiste. Cette société de la surconsommation qui pousse à satisfaire un plaisir immédiat. Or, un plaisir satisfait ne demande qu'à être réitéré.
On sait tous où nous mène cette course.
Je ne peux dès lors approuver le message envoyé à nos enfants, adultes en devenir, dont on voudrait leur faciliter l'accès à la contraception par le prisme d'une instutition éducative sans pour autant accompagner ces mesures de la nécessaire campagne de sensibilisation à la sexualité dans le cadre d'une relation adulte sérieuse, et prête aux responsabilités induites par la procréation fût-elle non désirée.
Ne me dites pas que ce n'est pas la mission de l'Education Nationale. A partir du moment où l'on facilite l'accès à la contraception aux adolescents, encore plus fragiles devant le besoin de satisfaction du plaisir, on a déjà franchi les limites de sa mission et versé dans une forme de militantisme. Que l'on fasse preuve de pragmatisme en permettant un accès à la contraception n'interdit pas que l'on accompagne ces mesures d'une promotion de la responsabilisation.
J'anticipe les réactions que je vais lire ça et là, surtout après avoir écrit tout récemment un billet qui a donné lieu à quelques querelles animées, écrasant au passage le record du nombre de commentaires sur Unique et Commun.
Appelez-moi réac si vous le voulez. Traitez moi d'intégriste ou de conservateur.
Si pour vous, cela revient à promouvoir l'Amour, la Vie, le Bonheur et donc l'ouverture, le don de soi, et l'affranchissement du besoin personnel, je le revendique.
Mais nous ne devrions pas en arriver à cette situation car l'Etat doit être neutre et laïque.
Il revient aux parents de faire le choix d'éducation pour leurs enfants. Si mes enfants étaient forcés d'évoluer dans un environnement et surtout au sein d'une institution qui promeut la consommation sexuelle à tout crin, je ne verrais que le militantisme catholique à lui opposer afin de contrebalancer l'approche égocentrée du plaisir par un message d'Amour.
La neutralité de l'Etat ne serait plus assurée. Je me tournerais nécessairement vers les institutions privées et respectueuses de chacun.
Je vais suggérer à Ségolène Royal de contacter aussi les lycées privés...
RépondreSupprimerJe vais suggérer au Pape qu'il contacte Nicolas Sarkozy...après tout, ils se sont déjà rencontrés...
RépondreSupprimerLes enfants n'appartiennent pas à leurs parents. Et il entre dans les attributions de l'Etat de donner aux adolescents les informations concernant la sexualité par ex ou tout autre sujet de santé.
RépondreSupprimerLes vrais lycées privés où les parents paient le coût total de la scolarité (environ 10 000 € par an par lycéen) sont rares ; le "privé sous contrat" est financé par l'Etat... Hihi
Polluxe,
RépondreSupprimerJe ne vois pas ce que la notion de "propriété" vient faire là-dedans. Faut-il renoncer à éduquer ses enfants sous prétexte qu'ils ne nous "appartiennent" pas?
Et je le répète, je ne vois pas en vertu de quel principe il revient à l'Etat, du moins l'Education Nationale d'informer les enfants et adolescents sur la sexualité.
Pour ce qui est du privé hors contrat, c'est bien ce à quoi je pensais. Mais je préférerais l'école publique (bien que de toutes façons, je vis en Angleterre).
L'état, à travers l'école, informe sur la contraception parce que le manque d'information de certains lui coûte cher: grossesses adolescentes, avortements, accouchements sous X, MST (dont le Sida).
RépondreSupprimerDonc l'état facilite l'accès à la contraception parce qu'il s'agit d'une question de santé publique.
L'état informe sur la sexualité, comme il informe sur tout ce qui touche au fonctionnement du corps humain. C'est l'éducation.
Oui mais voyez-vous, la meilleure façon de prévenir les grossesses adolescentes, les avortements, accouchements sous X et autres MST est encore de réserver la relation sexuelle à la relation d'amour adulte.
RépondreSupprimerJe sais, c'est passéiste pour certains, réactionnaire pour d'autres. C'est juste catholique.
Je continue mon commentaire:
RépondreSupprimeren tous cas, c'est aussi respecter ses citoyens que de ne pas prôner qu'une seule version du message. L'éducation ne doit pas être politiquement orientée et force est de constater qu'elle l'est.
Après que le Ministère de la Santé mène des campagnes de sensibilisation médicale, certes. Mais là, on touche à l'éducation et Dieu sait combien les adolescents sont influençables surtout lorsqu'il s'agit de la question sexuelle.
Il ne s'agit pas de renoncer à éduquer ses enfants mais à admettre qu'ils peuvent aussi être éduqués en partie par d'autres ; et comme l'info sexuelle a du mal à passer en famille (et c'est normal), c'est bien que d'autres apportent leur contribution... C'est le rôle du Min. de la Snté ou de l'Education nationale de faire passer des infos. Ceci dit aujourd'hui il y a aussi internet...
RépondreSupprimerPolluxe,
RépondreSupprimerJe suis d'accord pour qu'il y ait une facilité d'accès à l'information, bien au contraire.
Mais ce que je crains, et qui existe déjà avec les plannings familiaux extrêmement orientés politiquement, est que faute de temps, de moyens et de volonté, (voire de prétendue ringardise du message), c'est que personne n'accompagnera ces enfants dans l'éducation amoureuse...
Je suis en faveur d'un certain pragmatisme (accès facilité à la contraception) mais qui doit toujours être accompagné d'un message fort (le sérieux d'une relation, si on est prêt pour les relations sexuelles, on est prêt à en assumer les conséquences, le sexe n'est pas obligatoire...) ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas.
Mais la famille est là, non, pour parler relation amoureuse, sentiments, engagement ?
RépondreSupprimer"Les plannings familiaux orientés politiquement " : tu fais référence à quoi exactement ?
Polluxe,
RépondreSupprimerBien sûr que la famille est là mais quel impact et quelles difficultés de transmettre un message que l'environnement scolaire emprunt de l'autorité professorale contredit?
Quant aux PF, je ne suis malheureusement pas le seul à le dire mais d'aucun reconnaissent une lourde tendance au militantisme pro-IVG, pro-contraception faisant fi de l'abstinence ou d'un comportement plus responsable.
En fait d'orientation politique, les PF sont massivement désubventionnés, et ne seront bientôt plus en mesure d'accomplir leur mission d'information et de prévention.
RépondreSupprimerD'accord, la recherche du plaisir est destructrice quand elle se transforme en consommation. D'accord les relations sexuelles ne sont pas "urgentes" et devraient pouvoir attendre une certaine forme de maturité.
Mais l'urgence est bien de protéger les jeunes dont le propre est la curiosité, quand ce n'est pas la transgression. L'urgence est de protéger des maladies comme de l'inconséquence.
Nous avons bien le devoir de leur dire ce qu'ils ne devraient pas faire, mais nous devons toujours les protéger de ce qu'ils font quand même. Alors non, ce n'est faire la promotion du plaisir que distribuer des capotes, c'est porter assistance à personnes en danger.
Gee Mee,
RépondreSupprimerJe suis assez d'accord globalement avec votre commentaire. Je le dis par ailleurs que c'est ce que j'appelle le pragmatisme...mais qui doit s'accompagner nécessairement d'un message et d'une éducation et non pas être fournie telle quelle dans l'enceinte de l'Ecole.
Assister une personne en danger oui, prévenir les risques en amont, encore mieux.
Etre pro-IVG et être pro-contraception c'est "orienté politiquement" ? On part de loin là... Simone ! Reviens !
RépondreSupprimerD'accord avec Gee Mee. Et puis pourquoi opposer les solutions ? l'IVG vient en extrême limite...
Polluxe,
RépondreSupprimerVous n'avez décidément pas lu ma prose récente.
Je trouve que l'ambiance est à ne surtout pas revenir sur ce que l'on devrait regarder rétrospectivement comme un progrès de société...
En substance, je suis pour que l'on fasse preuve de pragmatisme. C'est à dire promouvoir la contraception pour éviter les grossesses non désirées, mais sous réserve d'accompagner cela, surtout en destination des plus jeunes d'un message clair et fort: le sexe n'est pas une histoire anodine, ce n'est pas juste le droit de se faire plaisir, c'est aussi la source de la procréation et l'acte d'intimité par excellence.
Le sexe n'a pas nécessairement à être consommé dans une relation amoureuse dès le début...encore moins pour des adolescents.
Le problème est que pour l'instant, le message est exactement le contraire.
L'éducation des parents peut y remédier partiellement certes mais il convient de réfléchir au niveau global.
Quant au problème d'orientation politique des PF, je m'inspire de ce que j'ai lu et entendu ça et là et qui concorde...les PF sont vraisemblablement des ayatollahs de l'IVG et de la pilule dans le sens qu'ils préconisent les deux actes avec une légèreté déconcertante...
Sur le sujet de l'absolutisation du plaisir, je me permets de faire de la pube pour un modeste billet :
RépondreSupprimerhttp://bloguequipeut.wordpress.com/2009/11/17/handicapes-assistance-sexuelle-ou-prostitution/
Globalement je suis d'accord avec Polluxe sur le caractère éducatif de l'école, et donc l'accès à tous à une information objective et varié comme ne le donne pas les parents religieux .... oui c'est un coup bas je sais :D
RépondreSupprimerCela dit, je tiens tout de même à rectifier un point, je ne suis pas pour le plaisir en tant qu'unique moyen vers le bonheur, je suis contre la négation du plaisir qui selon certaines doctrines (dont le catholicisme), nous éloignent du bonheur.
Pour moi le plaisir est une composante de la vie, y tourner le dos est une façon de renoncer à certaines parties du bonheur.
Pour en revenir à tes citations grèquo-romano-homosexuelles (bah oui, ça s'emmanchait sévère à cette époque :p), je les trouvent plutôt justes dans le sens où chaque passion vécu à l'excès, et donc à la dépendance entraine une souffrance, mais quand on sait gérer ses plaisirs, on en retire d'autant plus de satisfaction, et pour moi, refréner le plaisir est la meilleure façon d'en souffrir.
Pour l'IVG et autre, c'est à peut près comme le vin de messe, l'excès est à proscrire, pas l'utilisation ;)
Amen ... le sel bordel ! :p
Ah je croyais que l'article allait parler de ceci:
RépondreSupprimerhttp://www.erotica-uk.com
D'accord avec Bananebleue.
RépondreSupprimerMettre l'IVG et la pilule sur le même plan n'est pas très juste ; et je ne vois pas bien en quoi la pilule est un problème...
Tiens un tag en passant (voir sur mon blog).
"post coïtum anima tristis" Ovide
RépondreSupprimerEntièrement d'accord avec votre billet
Les commentaires qui le suivent prouvent que ce que vous dites est avéré !
Cela dit, pour avoir accompagné maintes fois des lycéens aux séances effectivement très orientées du Planning familial, je puis vous rassurer en vous disant que les élèves gardent leur liberté de jugement . J'ai vu des classes se moquer ouvertement des "conseillères" qui se croyaient cool et désinhibées en faisant l'apologie de l'homosexualité. Ce n'est pas parce qu'ils sont jeunes qu'on peut leur faire prendre des vessies pour des lanternes ou des hommes pour des femmes, au contraire. Ils ont beaucoup de bon sens et ne sont pas encore pollués par le "politiquement correct". Et quand nous reparlons de la séance en classe, ce qu'ils abordent avec beaucoup de sérieux et d'idéal, ce ne sont pas les questions techniques, qu'on leur a servies depuis le collège et aussi à la maison, mais la relation amoureuse, la nécessité de la confiance, la crainte de se tromper ou d'être trompé, le désir de s'engager entièrement et pour toujours, et celui d'être heureux...