jeudi 13 novembre 2008

Wizzgo ou l'entêtement des diffuseurs

Wizzgo est le nom d'un service de "magnétoscope online gratuit", permettant comme son nom l'indique d'enregistrer et de revoir des émissions diffusées gratuitement par les chaînes de télévision française.

Après avoir subi déjà un premier revers judiciaire devant le juge de l'urgence saisi par M6 et W9,
le groupe FranceTélévision vient d'obtenir une décision analogue.

La décision apparaît difficilement contestable juridiquement dans la mesure où effectivement, l'exception de copie privée s'interprète strictement et ne vaut que pour un usage réalisé par le copiste et pour le copiste.

Hors du débat juridique, d'un point de vue économique et progressiste, je suis consterné par cet entêtement des grandes chaînes de télévision à vouloir interdire de telles initiatives lorsqu'elles-mêmes sont incapables d'offrir ce que le consommateur demande.

A l'instar des majors, il est évident que ces tenants de la vieille économie ont commencé à vaciller sur un équilibre dont il sont pourtant à l'origine: ardent artisans de l'industrialisation de l'audiovisuel dans la lignée du marché du multimédia, ceux-là ont révéillé chez le consommateur l'envie de nouveaux modes de consommation, portés par les grandioses promesses de la globalisation et de l'Internet mettant l'information et l'inaccessible à portée de clic.

En effet, à s'évertuer à transformer l'immatériel en un bien quasi-tangible et à vouloir se rémunérer à l'utilisation (ou la diffusion) et non en fonction de l'utilisateur et/ou de l'oeuvre, le consommateur a modifié son appréhension de l'oeuvre culturelle.

L'information circule et le marketing n'a jamais touché sa cible aussi directement et immédiatement que depuis que le web est aisément accessible dans les pays développés.

Le teasing provoqué par une bande-annonce, par une série à succès dont les derniers épisodes sont disponibles outre-atlantique attirent le chaland qui n'accepte plus qu'on lui oppose des frontières invisibles.
La globalisation à deux vitesses est alors vécue comme une antienne que les grandes sociétés versatilement adorent quand elle leur bénéficie et abhorrent lorsque elle présente des inconvénients.
Parlez délocalisation, évasion fiscale, investissements étrangers,... et l'ouverture du marché a du bon.
Droits de propriété intellectuelle, distribution de contenu, multimédia, audiovisuel, et l'on vous oppose le retour aux bonnes vieilles frontières nationales, la logique du marché local et les différences culturelles.

Ce paradoxe est du même ressort que la régulation et la dérégulation, l'Etat-Providence et l'Etat-Gendarme, le libéralisme et le keynésianisme, un Etat fort et un Etat faible,...

Toutefois, au jeu de l'économie libérale et capitalistique, il est un paramètre que les diffuseurs, éditeurs, producteurs de contenu, etc. semblent s'entêter à ne pas prendre en compte.

La loi de l'offre et de la demande est un équilibre que l'on subit plus qu'on n'actionne.
Ce n'est pas en formattant l'offre selon la vision que le fournisseur estime le plus profitableque le consommateur va lui même nécessairement formatter sa demande.

Ceux-là se voilent la face en essayant d'user de l'arme judiciaire et/ou législative pour contrôler un phénomène de masse, une modification structurelle des modes de consommation.

Jouez-donc le jeu de l'économie que vous avez vous-même formattée !

Innovez, devancez la demande, libérez la créativité, la variété des produits, écoutez ce que le consommateur réclame.

Il n'est pas difficile de le savoir tellement les témoignages sur la Toile sont nombreux :
Des produits innovants et non verrouillés qui permettent une totale flexibilité à un prix "juste".

Ce n'est pas en tapant sur Wizzgo que vous "contrôlerez" le phénomène mais en les devançant et en améliorant le concept. Il en va de la santé de l'économie et du futur du marché de l'audiovisuel. Les diverses études démontrent que les consommateurs se détournent des médias traditionnels pour privilégier Internet.
Ne tapez pas sur Internet mais faites-vous en votre allié !

2 commentaires:

  1. Ceci dit j'ai moi même souligné des le début que le modèle de Wizzgo me semblait... border line.

    Le problème est en effet, comme tu le soulignes, que les chaînes sont incapables de proposer un service identique. Toutefois je pense qu'il y a un marché, et pour être honnête, je pense que si Wizzgo était passé sur un mode payant (faiblement) avec accord des chaînes, ça pouvait marcher, ca il y a une demande. Leur principal problème est peut être d'avoir voulu passer ne force et en voulant tirer profit de la création d'autrui sans lui en parler.

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  2. C'est effectivement du bon sens ce que tu proposes Vonric.
    Je ne m'étonne cependant guère de l'attitude de Wizzgo qui a essayé de percer sans conciliation aucune avec les grands groupes de télévision.
    On anticipe malheureusement la perte d'énergie et surtout le fait qu'une fois contactés, ces grandes chaînes auraient surveillé l'existence ab initio du programme et aurait ainsi pu compromettre sa notoriété.
    En bref, l'attitude guerrière des vendeurs de contenus multimédias n'a rien de progressiste et est particulièrement paradoxale...comme s'ils voulaient que l'on consomme leur produit de la façon dont ils l'entendent...à la différence d'une "oeuvre de l'esprit" propre à la propriété intellectuelle où l'auteur jouit d'un monopole sur les « droits moraux » de son œuvre (notamment le droit d’imposer que son œuvre soit vendue non modifiée), en industrialisant les biens culturels, en rendant l’aspect créatif mineur, ce respect à l’égard de l’œuvre n’est plus acquis, ces droits moraux deviennent largement plus contestables car on assimile plus volontiers une série télé à la TV LCD que l’on va acheter à Noël qu'au dernier roman à succès en librairie.

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