Depuis quelques temps déjà, cette petite anxiété latente se niche en mon sein, prête à se déclarer.
J'ai du mal à l'identifier mais chaque fois, elle se fait plus présente.
L'excitation de revenir en France? L'envie de retrouver ses proches?
Cela n'y ressemble guère.
Cette fois, elle atteint une densité qui me permet de mieux la percevoir:
La déception. Oui, c'est cela. De la déception.
Avec son lot de sentiments satellites qu'elle entraîne dans son sillon: colère, tristesse, dépit.
La France, j'y reste profondément attaché mais je ne puis effacer de mon l'esprit cette phrase affirmée avec péremption au détour d'une conversation avec une personne qui venait de revenir d'une expatriation longue durée:
" L'expatriation, c'est une superbe expérience. L'inconvénient, c'est que plus on part, plus il est difficile de revenir."Je ne mesurais pas totalement la portée d'une telle affirmation d'autant que lorsqu'elles sont assenées avec tant de dogmatisme, par réaction spontanée, j'ai tendance à ne pas y accorder trop de crédit.
Aujourd'hui, le doute s'est installé. Cette sensation qui croît à chaque retour ne va pas sans m'inquiéter sur la véracité de tels propos.
Je suis déçu par la France.
Quelle honte, me dis-je. A peine ai-je quitté le territoire de la République, que je lui fais des infidélités d'esprit.
Nulle volonté de faire allégeance à la couronne d'Angleterre, cependant.
Non. Il ne s'agit pas d'une admiration soudaine pour un pays à l'aura internationale.
Pis encore. Il s'agit de ma perception de mes compatriotes.
Déçu. Je suis déçu.
Je suis en colère aussi. Je ne comprends plus cette France qui déjà m'échappait à telle point que je voulais la quitter.
Cette France complexée, aigrie et individualiste.
Individualiste?
Je l'affirme aujourd'hui et j'ai pourtant toujours combattu cette dernière idée.
Comment peut-on penser que les Français sont individualistes lorsque l'on constate qu'ils ont mis en place un système de sécurité sociale fortement solidaire?
Je ne pense pas que la France ait toujours été si individualiste. Certainement pas au moment de la reconstruction d'après-guerre, lors de l'instauration de la Sécurité Sociale.
Non. Quelque chose s'est perdu en chemin.
Aigrie?
Pourquoi donc tant d'indiscipline et d'impolitesse?
La France a pourtant jadis rayonné par sa noblesse d'esprit et de comportement.
Aujourd'hui, on vous grille la politesse sur la route, dans les files d'attente, on ne cède pas sa place aux femmes enceintes, on hurle au scandale lorsque celles-ci profitent des caisses prioritaires au supermarché, on ne supporte pas le privilège du voisin, encore moins sa réussite.
Que s'est-il donc passé?
Complexée?
La France n'est plus sûre d'elle-même. A force de s'entendre dire par les "bienpensants" qu'elle est raciste, fainéante, privilégiée, le peuple a fini par colporter lui-même cette image.
Fainéante?
Les français ont un taux de productivité parmi les meilleurs du monde.
Raciste?
Si le racisme existe, il est loin de faire l'unanimité. Le score du Front National au second tour des élections présidentielles de 2002 en est une preuve plus que convaincante.
Privilégiée?
Le raisonnement par le pire n'est qu'une méthode pour mieux contenir les revendications sociales et économiques. Le monde doit progresser et non régresser.
Affirmer que la France est un pays de privilégiés est un camouflet pour le nombre croissant de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les classes moyennes qui s'appauvrissent au dépend d'une poignée qui ont déjà tout et la condition des plus démunis.
Cette conjonction de phénomènes a fini par replier les Français sur eux-mêmes, tentant de protéger leur sphère avant toute chose, les rendant agressifs, impolis et irrespectueux.
Les exemples de cet incivisme que j'ai personnellement rencontrés ne se comptent plus.
Il faut jouer des coudes à tout instant.
Les Français vivent dans la peur constante d'être lésés.
Paradoxalement, pour s'en défendre, ils en viennent à léser autrui.
Je crois qu'ils le font parce qu'ils ne croient plus en l'Etat et sa capacité (sa volonté?) à défendre la devise de la République: "Liberté, Egalité, Fraternité".
Je ne m'en étais pas réellement rendu compte lorsque j'y vivais. Du moins, je mettais cela sur le compte de l'irrésistibilité d'une évolution mondiale, plus que sur celui d'un problème culturel.
Or, la politesse, la discipline, le respect, la sociabilité n'ont pas disparu ailleurs sans qu'ils soient l'apanage de l'un ou de l'autre, Angleterre compris.
Et cela rend mon incompréhension encore plus forte.
Comment les Français peuvent-ils céder à tant de vils attitudes, lorsque d'autres savent maintenir plus ou moins ces règles de savoir-vivre?
Cela m'attriste et m'irrite à la fois.
A-t-on des raisons d'espérer que cela ne perdure pas?
J'aimerais le croire.
Rassurez-vous, ce n'est pas tout ce que je retiens de la France mais c'est avant tout les défauts majeurs qui m'empêchent profondément d'en être fier.
RépondreSupprimerJe m'attriste face à celui qui vous grille la politesse dans une file d'attente feignant de ne pas vous voir, ceux qui accélèrent sur la route pour vous empêcher de dépasser un véhicule, ceux qui traversent le passage clouté alors que le signal piéton est au rouge, ceux qui s'insurgent qu'une femme enceinte use de son droit de priorité, ceux qui feignent de ne pas voir cette femme enceinte dans le train pour ne pas leur céder leur siège qui leur est pourtant destiné, ceux qui hurlent lorsque quelqu'un fait fortune soupçonnant de malhonnêteté, ceux qui ne vous tiennent plus la porte, qui ne vous saluent pas, qui ne vous remercient pas, qui vous insultent sans raison,...
Bonjour,
RépondreSupprimerJe viens de découvrir votre blog et me permets de vous laisser une petite remarque en passant.
Je suis francaise et je vis en Allemagne. Moi aussi, beaucoup de choses me décoivent en France. Cependant, je ne pense pas que le savoir-vivre ait encore complètement disparu de notre pays ! Quand je reviens passer quelques jours à Paris, je suis presque ravie que l'on me bouscule dans la rue, juste pour le plaisir de voir la personne m'ayant bousculer se retourner, me sourire, s'excuser et demander si je vais bien. De même lorsqu'une personne perdue me demande son chemin en commencant par un "bonjour" accompagné d'un sourire et en terminant par "merci". Ca vous paraîtra anodin mais toutes ces petites attentions ne vont pas de soi dans tous les pays. Alors que je n'y prêtais pas attention autrefois, aujourd'hui, elles me manquent.
Par contre, je suis forcée de sourire quand vous parlez de l'aigreur des Francais ! J'en ai justement eu un petit apercu hier. Voilà, en substance, la vision qu'à une de mes amies (vivant en France) de la notre pays : "on s'est tous fait avoir en beauté avec l'euro (...) c'est malheureux à dire mais je pense qu'il faudrait une guerre pour remettre les choses en place". Elle m'a dit cela sans le moindre sourcillement - il s'agit, en effet, d'une opinion très répandue dans son entourage... Moi, ca me donne envie de pleurer !
Cordialement,
Caroline.