vendredi 13 février 2009

La crise, révélatrice d'un malaise profond?

La présentation de la Une du Monde.fr n'est sans doute pas anodine mais elle n'en referme pas moins des informations.

C'est la crise, ma brave dame !
La France connaît la pire récession depuis la crise économique de 1975 !

Pas pour tout le monde: 2008 est un bon millésime pour les entreprises du CAC 40. Les dividendes versés aux actionnaires n'ont enregistré qu'un très léger recul, totalisant 54,2 milliards d'euros contre 57,2 milliards en 2007, selon Les Echos de vendredi 13 février.

La démonstration de la continuité d'un système qui fait glisser toujours plus les revenus du travail vers les revenus du capital, ce qui finira tôt ou tard par provoquer la propre perte de ce système qui n'est capitaliste que par le nom.

Le mépris croissant affiché pour le capital humain, cols blancs ou cols bleus, du simple exécutant au cadre supérieur, se traduit par une rupture grandissante, une méfiance spontanée du salarié à l'égard de son employeur. La machine à rêve est en panne, les cadres ne rêvent plus guère de promotion qui ne leur garantira certainement plus une évolution sociale dans la mesure où beaucoup trop se retrouvent avec des responsabilités lourdes, chronophages sans pour autant qu'ils se sentent valorisés et reconnus.

La reconnaissance du travail à l'échelle du salarié passe par plusieurs facteurs dont notamment:
- le salaire: qui doit refléter le niveau de responsabilité, d'implication et de contribution au projet de société
- la prise en compte du travail effectué par la hiérarchie
- la communication: qui doit rappeler l'importance réelle du salarié dans le rouage de l'entreprise

Le premier de ces critères est déjà défaillant. Il devient difficile pour un employé pourtant performant, investi dans son travail de s'entendre dire en cette période qu'il n'aura pas d'augmentation...crise oblige, vivant consciemment ou inconsciemment une telle décision comme une sanction qui n'a pas de justification personnelle. Outre cet exemple, le travail n'est plus aujourd'hui un critère de promotion sociale, les métiers autrefois fortement rémunérateurs font pâle figure face aux sommes astronomiques perçues par les actionnaires.
Le rentier fait envie, le travailleur fait pitié ! C'est la promotion du profit inhumain, prêt à tout pour le gain personnel, quitte à licencier même lorsque la société réalise des profits monumentaux. C'est en contrepartie, la déchéance de l'émancipation par le travail et donc l'éducation.

Pourquoi faire des études?
A quoi ça va me mener de faire des études autrefois brillantes?
Devenir avocat? 5 ans d'études universitaires parfois douloureuses, chronophages, multipliant les stages non rémunérés où l'on a été souvent déconsidérés, même réussies brillamment, pour continuer sur un examen d'entrée difficile, un an et demi de formation parfois fastidieuse, débouchant sur un diplôme final achevant un parcours enfin abouti...pour s'entendre dire par le premier recruteur venu: "vous n'avez pas fait l'ESSEC ou HEC? un MBA? un LLM? une première expérience à l'étranger? pour toucher une rémunération d'entrée n'excédant pas 1500 EUR net par mois?"
Vous serez une profession libérale mais entièrement soumis à la subordination de l'avocat associé dont vous dépendez.

Ingénieur informaticien?
Exercer un métier autrefois confié à un technicien (peu gratifiant intellectuellement) pour un salaire qui n'a pas bougé...

Chercheur à la pointe de la science?
Se battre pour obtenir un des rares postes de recherche en France où les budgets finiront un jour par permettre de découvrir le vaccin contre la rage...

Les exemples pullulent.

En bref, quelle profession salariée permet-elle aujourd'hui de garantir un très bon revenu?
Les exemples là, disparaissent de jour en jour...

Le second critère est tout aussi défaillant dans un système toujours plus globalisé, où l'on ne devient qu'un numéro dans une entreprise où les décisions se prennent ailleurs, où il est rarement possible de se faire entendre et d'être réellement à la source des initiatives, où les défauts de communication entre la hiérarchie et les collaborateurs contribuent à se sentir "dévalorisé" voire "inutile".

Le troisième critère est variable en fonction du responsable hiérarchique direct...mais trop souvent, les évaluations annuelles sont les seuls moments où celui-ci prend le temps de reconnaître (lorsqu'il le fait!) la qualité du travail du collaborateur...
Mais le problème essentiel tient surtout du fait qu'un employeur évite d'identifier précisément le rôle d'un collaborateur afin de permettre une certaine flexibilité...mais ceci est au mépris d'une interaction idéale entre ledit collaborateur et les autres acteurs de l'entreprise.
Si vos missions sont clairement identifiées, vos responsabilités précisément établies, vous serez reconnue comme l'interlocuteur essentiel sur tel ou tel projet, tel ou tel aspect.
Un travail trop souvent laissé à l'abandon.

Aujourd'hui, même les cadres ne croient plus à l'émancipation par le travail.

Un problème majeur n'est-il pas en train de poindre?
Le salarié est indispensable au projet d'entreprise quoiqu'en pense l'actionnariat.
Si celui-ci peut accepter de ne pas adhérer corps et âme à un projet spécifique, il faut qu'il puisse toujours croire à l'entreprise dans sa globalité.

A défaut, il va devenir extrêmement compliqué de gérer le capital humain, grippant l'ensemble de la machinerie d'entreprise.
La vision court termiste de l'actionnaire pourrait bien accomplir son dessein: à force de ne regarder qu'à vue de nez, on risque de ne pas voir l'obstacle qui se présente au coin de la rue.

L'humain doit revenir au centre de notre économie !
Espérons que cette crise soit l'occasion de ce faire !

1 commentaire:

  1. Excellent article.
    En ce qui concerne "les évaluations annuelles", je cite deux exemples:
    1- en France, dans la boite ou je travaillais, la règle était de mettre très bon a tout le monde évaluations a 360)...
    2- en Angleterre, la consigne (du grand chef) était de mettre moyen a tout le monde... comme ça pas de conflit et moins de bonus a donner...

    Et voila comment faire d'une idée qui parait bonne le système le plus hypocrite dont l'employé n'attends rapidement plus rien...

    RépondreSupprimer

Merci de vous identifier ou au moins de signer votre commentaire d'un pseudonyme.

 
blog d'expatrié